(01 mars 1903 à Kansas City, MO - 10 avril 1998 à New York, NY)
Trombone dans l'orchestre de Cab Calloway de 1929 à 1940
C’est en ces termes que Steve Voce, célèbre journaliste britannique, parlait du fidèle tromboniste de Cab Calloway, De Priest WHEELER, dans une interview de 1957. Aujourd’hui complètement oublié, Wheeler a pourtant connu une certaine reconnaissance dans les années 30, en compagnie de Cab avec lequel il fit l’essentiel de sa carrière.
The Wilson Robinson's Syncopators in 1924
De Priest Wheeler est né à Kansas City, Missouri. Fils d’un révérend, il développa un goût certain pour la musique et les « marching bands », au point de joindre un cirque durant deux saisons. Dès 1920, De Priest devient professionnel, s’associant à un groupe de 7 musiciens de Saint-Louis et Kansa City, les « Robinson's Syncopators ».
Le Cotton Club Orchestra (1925).
De gauche à droite : De Priest Wheeler, Morris White, Lammar Wright, Earres Prince,
R.Q. Dickerson, Leroy Maxey, Andy Preer (dir), Jimmy Smith,
Andy Brown, David Jones, George C. Scott (prob.).
Du Cotton Club au... Cotton Club
Tournées dans le Missouri et l’Illinois, l’ouest des USA et le Canada se succèdent pour finir en 1925 par atteindre New York et son Cotton Club. Eh oui ! Ils furent parmi les premiers musiciens du Cotton Club orchestra avant d’être remplacé par celui de Duke Ellington. Dès lors, ils partirent en tournée sous le nom d’Andy PREER Orchestra avec Ethel WATERS et lorsqu’ils en revinrent, après le décès d’Andy Preer, décidèrent de s’appeler les Missourians. Vous connaissez le reste de l’histoire, lorsqu’un jeune chanteur du nom de Cab Calloway prit la tête de l’orchestre (sinon, reportez-vous directement à nos articles tirés de son autobiographie). Peu de temps après, l’orchestre prit le nom de Cab Calloway Orchestra.
The Missourians. De Priest Wheeler est le 3e à partir de la gauche.
De l’époque des Missourians, on ne compte guère qu’une petite douzaine d’enregistrements. Et quel dommage ! Puisque désormais les critiques s’accordent pour dire que c’était un groupe d’exception, avec un son bien spécifique. Deux séances studio permettent d’en savoir un peu plus et d’écouter notamment De Priest Wheeler en solo sur la plupart des titres.
J’ai retenu pour ma part :
- Market Street Stomp (03/06/1929), premier titre gravé par les Missourians avec un solo tonitruant dès la première minute.
- Two Hundred Squabble (17/02/1930) dans lequel Wheeler intervient à trois reprises (dont 2 en trombone bouché).
De Priest Wheeler continua alors sa carrière tranquillement au sein de l’orchestre de Cab, en étant un des rares Missourians qui n’aient pas été virés ou “démissionnés”. Ses solos se retrouvent dans pratiquement tous les enregistrements du début des années 30. A réécouter avec plus d’attention :
- St. Louis Blues (24/07/1930) pour son solo de trombone bouché juste avant un des premiers scats endiablés de Cab.
- Some Of These Days (23/12/1930) pour un piqué de notes à un rythme époustouflant. Mais là, c’est carrément TOUT le titre qui est d’anthologie !
Plus âgé que Cab, il faisait partie du groupe d’« anciens » (comme Walter Foots Thomas ou Lammar Wright) sur lesquels le chef pouvaient s’appuyer. Néanmoins, à écouter les jeunes loups qui arrivèrent progressivement dans l’orchestre, les « vieux » avaient tendance à traîner les pieds et à ne pas faire d’efforts pour écouter ce qui se faisait de nouveau musicalement (Milt Hinton, Garvin Bushell et Dizzy Gillespie en témoignent chacun dans leurs souvenirs).
L'orchestre, fin 1931
(De Priest Wheeler est le 6e à partir de la gauche, juste à côté de Cab).
Faut-il voir dans son surnom Deedlo que lui avaient donné les autres musiciens de l’orchestre une quelconque signification ? Je n’ai pas encore réussi à lui trouver un sens précis… Toujours est-il que dans un programme de l'orchestre datant de 1935, Wheeler y est décrit un grand admirateur de la section trombone de Paul Whiteman. Il dit avouer préférer la musique classique, en toute logique puisque c'est le premier genre musical auquel il fut confronté.
DePriest Wheeler était également affublé d'un second surnom : Mickey, en référence à Mickey COCHRANE, un joueur de baseball. Wheeler était en effet "catcher" dans l'équipe de baseball de Cab Calloway, et prenait son rôle très au sérieux.
- Chili Con Conga*
- Tarzan Of Harlem*
- Jiveformation Please*
- Vuelva*
Mais l’heure n’est plus aux solos de Wheeler. Les nouvelles vedettes du moment sont là et l’on n’entend plus qu’elles : Bauza, Gillespie, Cozy Cole et surtout Chu Berry.
Quentin 'Butter' Jackson, 1943
Remplacé par Quentin Jackson
à un moment charnière de la vie de l 'orchestre.
De Priest Wheeler est remplacé par Quentin JACKSON, qui arrive tout droit de l’orchestre de Don Redman. Calloway a beaucoup insisté pour l’obtenir. Est-ce que cela signifie qu’il en avait assez de Wheeler ? Qu’il voulait autre chose ? Toujours est-il que c’est à cette période charnière que l’orchestre de Cab Calloway prend un tournant résolument jazz. Jackson restera d’ailleurs chez Cab jusqu’en 1948. On reconnaîtra plus tard que Quentin Jackson était un as du trombone bouché et du wah-wah et qu’il était le digne successeur chez Ellington de Tricky Sam Nanton. Exactement comme De Priest Wheeler…
Dernier enregistrement de De Priest Wheeler
à écouter dans cet album la collection Chronological Clasics.
Quitter Cab et la musique
Sans emploi, en février 1942, Wheeler s’engage dans l’armée, dans un orchestre de la Navy et part pour le Pacifique sud. Rendu à son foyer en 1945, il retrouve sa femme Lila et ses deux enfants. De Priest Wheeler continua d’améliorer son jeu en suivant pendant 4 ans un cours de théorie et composition à la Hartnett Music School… En avait-il vraiment besoin, puisqu’il cessa toute activité musicale professionnelle. Apparemment, il travailla aux postes US dans les années 50. Sa femme mourut en 1966. Trente ans plus tard, De Priest Wheeler reçut une citation honorifique pour « Excellence en Musique » par Claire Shulman, ancienne maire du Queens. Il décéda à l’âge de 95 ans à New York, le 10 avril 1998.
Renseignements issus en grande partie de l’article de Lila W. Duckett paru dans RedHotJazz.
La photo du Cotton Club Orchestra vient du LP "Harry Cooper, R.Q. Dickerson & the Cotton Club Orchestra" dont les notes signées Christopher Hillman me furent particulièrement utiles.
L’écoute attentive des morceaux a été réalisée par Marc Richard et Dan Vernhettes à l’occasion de l’inestimable édition Masters of Jazz, vol. 1, 1929-1930 (épuisée).