“From Cab Calloway to Duke Ellington” (5/6): the EXCEPTIONS

Les orchestres de Cab Calloway et de Duke Ellington étaient parmi les plus populaires dans les années 1930/40. Ils étaient également ceux qui distribuaient les plus belles fiches de paie ! Naturellement, celui du Duke avait un prestige et une excellence incomparables.

Beaucoup des musiciens qui sont passés par les pupitres de Cab ont eu envie à un moment ou un autre de rejoindre ceux d'Ellington. Seule une poignée d'entre eux est parvenue à ses fins... et encore moins d'autres ont fait le chemin inverse !
The Hi de Ho Blog les passe tous en revue pour vous. Et il y a dans la liste quelques noms inattendus !

C'est aujourd'hui aux exceptions que nous nous intéressons. En effet, seuls quelques rares musiciens ont fait le chemin inverse, jouant d'abord chez Duke avant de rejoindre l'orchestre de Cab. Tout le détail, en respectant l'ordre chronologique :






 

 

 

 

 

 

 

 

Harry WHITE (trombone)
Chez Duke Ellington en juillet 1929
Chez Cab Calloway d'octobre 1930 à février 1935
L'anecdote à connaître : Harry White fut un homme discret et un excellent musicien et arrangeur mais son goût immodéré pour l'alcool lui joua de mauvais tours. A commencer chez Ellington où il ne tint que 4 ou 5 semaines tant ses cuites étaient mémorables. Juan Tizol le remplaça et resta nettement plus longtemps à son pupitre ! C'est déjà à cette époque que le mot "Jitterbug" apparaît dans son vocabulaire. The Hi de Ho Blog vous en parle plus précisément ici. Chez Cab, on profita du filon Jitterbug pour en créer une chanson qui deviendra un tube. Nous vous avons également raconté toute l'existence de 'Father' qui finit alcoolique et ruiné.
Le titre à écouter chez Duke : pas d'enregistrement.
Le titre à écouter chez Cab : Father's Got His Glasses On (1933)
 




 
Benny PAYNE (piano)
• Chez Duke Ellington en octobre et décembre 1930
• Chez Cab Calloway de juillet 1931 à fin 1943
• L'anecdote à connaître : Ce n'est pas au piano que l'on entend Benny (avec un "y" chez Duke et "ie" chez Cab) Payne chez Ellington mais au chant ! Il fait même un duo avec Irving Mills sur Wang Wang Blues (27 oct 1930) et chante en solo sur When a Black Man's Blue (10 dec 1930). D'ailleurs, sa manière de chanter en retrait derrière Mills se retrouvera dans les duos que Bennie fera avec Cab sur scène et dont on possède quelques exemples (notamment dans l'émission Shell Chateau de 1936).
Sur la manière dont Bennie Payne a rencontré Cab et sa carrière chez lui, rendez-vous sur la biographie que nous lui avons consacrée (1re partie et 2nde partie)
• Le titre à écouter chez Duke : Wang Wang Blues
• Le titre à écouter chez Cab : There's a Cabin in the Cotton






Marshall ROYAL (saxophone)
• Chez Duke Ellington en 1933, 1934 et 1961
• Chez Cab Calloway deux semaines en décembre 1935
• L'anecdote à connaître : Celui que l'on a plutôt associé à l'orchestre de Count Basie a également joué avec les big bands de Duke et de Cab. Chez le premier, après un premier passage en 1933 (pour le film Murder at the Vanities, il revient pour trois mois en 1934 afin de remplacer Otto Hardwick parti pour une donzelle. Cela permet de l'apercevoir dans l'orchestre qui apparaît dans le film Belles of the Nineties avec la pimpante et accorte Mae West. Il reviendra en 1961 (pour remplacer cette fois Hilton Jefferson, porté pâle) et même pour un show télévisé, mais avec le second orchestre, en 1973. Chez Cab Calloway, c'est également pour un remplacement qu'il rejoint les pupitres du roi du Hi de Ho. En effet, Walter Foots Thomas est réquisitionné pour écrire les arrangements d'un prochain film (Hi de Ho ou Jitterbug ?) et ne peut assurer au Cotton Club de Culver City où l'orchestre est en résidence. Il aura ainsi l'occasion de jouer avec Eddie Barefield et Ben Webster. Dernière anecdote pour la route, Marshall Royal affirme avoir joué dans l'orchestre de studio qui a doublé celui d'Ellington qui joue (sans être à l'écran) dans le film des Marx Brothers, A Day at the Races (1937).
• Le titre à écouter chez Duke : pas de titre caractéristique, d'autant que ses apparitions à l'écran sont doublées et que l'on n'est pas sûr que ce soit lui ou Hardwick...
• Le titre à écouter chez Cab : pas d'enregistrement connu, mais il existe peut-être quelque part un broadcast qui a été conservé quelque part... On peut rêver.

 
1935 1229 Frank Sebastian Cotton Club LA picture with Marshall Royall instead of Foots Thomas.jpg
Pour compenser cette absence cruelle de témoignage sonore, voilà donc le SEULE photo connue de Marshall ROYAL dans l'orchestre de Cab Calloway. Elle a été prise le 29 décembre 1935. Royal est à la dernière place à droite, à la place de Wlater Thomas dont le surnom "Foots" est écrit sur le pupitre.

 

 


webster Ben.jpg

Ben WEBSTER (saxophone ténor) :
• Chez Duke Ellington en août-septembre 1935
• Chez Cab Calloway de septembre 1935 au 24 juillet 1937
• Chez Duke Ellington de janvier 1940 à août 1943, puis 1948/49
• L'anecdote à connaître (de Cab à Duke) : Ben Webster se trouva obligé de partir de chez Ellington en septembre 1935. Duke parla de lui à Irving Mills et peut-être même directement à Cab Calloway. Cela tombait plutôt bien puisqu'Arville Harris (cl et ts) quittait son pupitre chez Cab. Pour rejoindre la troupe, Ben prit l'avion pour Toronto. Notons tout de même que durant son contrat avec Cab, Ben Webster fit deux sessions d'enregistrement avec Ellington...
• L'anecdote à connaître (de Duke à Cab) : Calloway et Ellington appartenant tous deux à la même écurie Mills, il était délicat pour Duke de piquer directement ses musiciens à Cab. Mais Webster voulait absolument rejoindre Ellington. Il fut alors convenu que Ben Webser passerait en transit par Fletcher Henderson. Agacé par le départ de son copain de beuverie et son ténor vedette du moment, Calloway demanda à the Frog de se trouver un remplaçant... Ce fut Chu Berry qui, pour se mettre le répertoire en tête joua 3 soirs de suite en compagnie de Ben Webster. Quelles soirées cela dût être ! Et quel dommage qu'il n'y en ait pas de trace audio ! (voir nos deux articles sur la carrière de Ben Webster chez Cab Calloway : 1re partie et 2nde partie). Ensuite, "Ben Webster n'a jamais aussi bien joué que chez Ellington" (dixit Christian Bonnet).

• Le titre à écouter chez Duke (1re période) : Truckin' (19 août 1935)


• Le titre à écouter chez Cab : Congo (3 mars 1937)


• Le titre à écouter chez Duke (2e période) : Cottontail (1940)





Alan RUBIN (1943-2011) (trompette)

Chez Duke : en avril 1970 (remplacement et session pour The New Orleans Suite) et juin 1970 (session pour The River).
Avec Cab : en 1980 dans le Blues Brothers Band pour "Minnie The Moocher" dans le film de John Landis, "Blues Brothers". ecoutez d'ailleurs sa splendide contribution sur cette version inédite...
L'anecdote à connaître : Sinatra, Zappa, Miles Davis, les Rolling Stones, Sting... Pourquoi pas Ellington et Cab ? L'éclectisme est de règle chez Alan Rubin, qui interpréta "Mister Fabulous" dans le film de John Landis "The Blues Brothers".



 

Ed Shaughnessy est le barbu tout au fond de la photo en chemisette bleue,
Gerry Mulligan arbore un beau gilet jaune à côté de Cab,
Ray Brown est juste derrière Dave Brubeck.

 
Ed SHAUGHNESSY (drums)
Chez Duke Ellington 6 semaines en 1952
Avec Cab Calloway en août 1988
L'anecdote à connaître : Que ce soit avec Duke comme avec Cab, Ed Shaughnessy n'a eu que des contacts parcimonieux. En effet, chez Ellington, il remplace Louis Bellson pour son mariage en 1952 avec Pearl Bailey. Pour Cab, il est à ses côtés dans un album "all stars" enregistré le 3 août 1988, "Big Band Hit Parade.
Le titre à écouter chez Duke : pas d'enregistrement connu.

Gerry MULLIGAN (saxophone baryton)
Avec Duke Ellington : le 3 juillet 1958
Avec Cab Calloway : en août 1988
L'anecdote à connaître : Harry Carney a été le premier à donner ses lettres de noblesse dans le jazz au saxophone baryton. Gerry Mulligan est considéré comme le maître de l'instrument. Enregistré le 3 juillet 1958, le titre "Prima Bara Dubla" est justement un superbe duo entre Harry Carney et Gerry Mulligan. Il a été composé pour l'occasion par Billy Strayhorn. C'est la seule collaboration officielle enregistrée de Mulligan avec Ellington. L'album "Newport 1958" en témoigne.
Le titre à écouter chez Duke : Prima Bara Dubla

Ray BROWN (contrebasse)
Avec Duke Ellington : le 5 décembre 1972 et le 8 janvier 1973
Avec Cab Calloway : en août 1988
L'anecdote à connaître : le contrebassiste qui a enregistré le plus (en lice avec Milt Hinton) n'a pas souvent joué avec Duke Ellington. Mais à l'occasion d'un hommage à Jimmy Blanton (contrebassiste qui avait joué chez Ellington aux plus belles années), on peut l'écouter à satiété en duo avec Duke. Cet album "This one's for Blanton" est tout simplement un incontournable dans toute discothèque d'un honnête amateur de jazz. La collaboration avec Cab est nettement plus anecdotique et a eu lieu en août 1988 pour le concert et l'enregistrement d'un disque pour Telarc.

Le titre à écouter chez Duke : Do Nothing Till You Hear From Me


Le titre à écouter avec Cab : Shaughnessy, Mulligan et Brown apparaissent donc tous les trois en 1988 dans l'album Big Band Hit Parade (Telarc) avec Cab. Un concert a même été donné la veille de l'enregistrement de l'album. Nous vous proposons de regarder le final de ce concert, qui s'achève en toute logique sur "When The Saints Go Marching In". Et nous aussi, on veut être dans cette parade !





BONUS

 
On pourra également ajouter à ces noms ceux de Chu Berry (ts) et de Cozy Cole (dms) qui jouèrent au moins une fois avec Duke Ellington un soir de jam session endiablée, immortalisée par Charles Peterson...


Parmi les nombreuses sources consultées, soulignons :
  • The New Desor, Luciano Massagli et Giovanni M Volonté
  • History of Jazz Tenor Saxophone, Jan Evensmo
  • The World of Swing, Stanley Dance
  • Someone To Watch Over Me, Buchmann-Moller
  • Benny Carter, A Life in American Music de M. et E. Berger et J. Patrick
  • Duke On the Web


Naturellement, si vous constatez une erreur, un oubli, n'hésitez pas à m'en faire part.


Un immense merci à Claude CARRIERE, Christian BONNET et Yvan FOURNIER pour leur savoir encyclopédique si généreusement partagé ainsi que leurs encouragements.

A l'occasion, rendez visite à La Maison du Duke dans laquelle ces deux grands ellingtomanes officient en compagnie de Philippe BAUDOIN.



 

 

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