Dave RIVERA: the delicate Portorican touch in Cab’s ork

 
Dave Rivera et Cab Calloway, en photo dans Down Beat de février 1944

Heureusement que Down Beat existait en 1944 ! Sans cette revue américaine consacrée au jazz (et qui n'était pas toujours très tendre avec Cab Calloway !), nous ne saurions rien ou presque sur Dave Rivera. Et pourtant, ce pianiste ne manque pas d'intérêt. The Hi de Ho Blog va tenter d'en retracer l'histoire, comme nous l'avons fait précédemment avec les deux précédents pianistes de Cab, Earres Prince et Benny Payne.


De Porto à Rico à Boston en passant par Buffalo.

Né le 19 décembre 1915 à Porto Rico (8 décembre 1921 selon le BHCF de janvier 1955), Dave Rivera émigra vers les Etats-Unis avec ses parents en août 1917, à bord du SS Carolina. Ils choisirent comme terre la ville de Buffalo dans le nord de l'état de New York apparemment pour y rejoindre leur autre fils Juan Rivera. Très tôt, sa mère le pousse à se mettre à la musique. Comme beaucoup de gamins, son intérêt pour la musique s'étiole progressivement mais trouve un regain au certain au lycée avec un groupe d'adolescents musiciens. C'est à ce moment-là que Dave décida d'embrasser la carrière musicale en intégrant le Conservatoire de Boston pour 2 ans.



Buffalo, NY où Dave Rivera passa son enfance
et où il reviendra souvent prendre soin de sa mère.

Il retourna ensuite à Buffalo où il vivota pendant encore deux années. Pour lui, comme pour la plupart des musiciens alors, tout se jouait à New York ! Il ne ferait qu'une bouchée de la grosse pomme... mais là aussi, la vie était rude et les musiciens en herbe aussi nombreux que la pelouse de Central Park ! Les trois premiers mois se passent d'abord au Rhythm Club de Harlem (132e rue et 7e avenue).
Mais le Rhythm Club, en dehors d'être un troquet avec un billard, quelques tables et un comptoir, c'était d'abord le lieu de rendez-vous incontournable des jazzmen (souvent les non-newyorkais) sans boulot (le guitariste Lawrence Lucie en parle ici). Du coup, les chefs d'orchestre en avaient fait une taverne de recrutement ou les contrats se signaient souvent après les jam sessions.



Hawkins, Newton, Page : les employeurs successifs de Rivera

Dave Rivera eut tout même l'occasion de jouer de temps à autre avec Ovie ALSTON et encore Coleman HAWKINS qu'il retrouvera plus tard.
La chance sourit alors à Dave Rivera quand Frankie NEWTON l'embaucha pour un contrat de 6 semaines au Kelly's Stables. Il y resta en compagnie de l'orchestre de Hot Lips PAGE. L'aventure dura 3 mois en 1942 jusqu'à ce que Lips soit embauché par Artie SHAW.


Finalement, Dave Rivera doit tout à sa maman...

Sa mère malade - et sans doute un brin possessive - l'obligeait à revenir de temps à autre à Buffalo. C'est pourtant là-bas qu'au cours d'une soirée avec son trio (sans doute au Colored Musicians Club), il fut remarqué par Cab Calloway.

Il fallut un peu de temps et ce fut alors qu'il accompagnait Coleman HAWKINS au Kelly's Stables qu'il reçut un télégramme de Cab. Nous sommes alors en octobre 1943 : Benny Payne va ou vient de quitter l'orchestre de Cab après 13 ans de bons et loyaux services pour partir à l'armée (voir notre article sur Benny Payne).
Naturellement, ce fut pour Dave le moment le plus important de sa carrière, celui pour lequel il avait trimé depuis longtemps.


Derrière Cab, en se penchant, on peut voir Dave Rivera au piano...
 

Le job était une offre "à l'essai"... comme souvent chez Cab. L'essai dura longtemps puisque Dave Rivera resta au côté de Cab jusqu'en juin 1952, connaissant la gloire et la dégringolade de Calloway, avant qu'il plaque tout pour intégrer "Porgy and Bess".

Toutefois, au printemps 1946, Benny Payne revint de l'armée et Cab, fidèle à ses vieux compagnons de pupitre, lui redonna le job. Mais les deux ans et demi passés sous les drapeaux avaient métamorphosé et troublé Payne, au point que Cab l'envoya chez un psychiatre. Cab appréciant son jeu et sa personnalité, Dave Rivera retrouva alors son clavier. Il resta fidèle lui aussi à Cab Calloway, même s'il enregistra de nombreux titres avec d'autres formations (comme celle d'Emmett Berry et d'Hank d'Amco).

Souvent il retrouvait d'ailleurs ses copains de l'orchestre de Cab : Jonah Jones, Ike Quebec, Milt Hinton, JC Heard (et aussi Cozy Cole, Mouse Randolph...). Mais c'est surtout avec le saxophoniste ténor Don Byas que Rivera s'est illustré. Mike Neely parle d'"un jeu remarquable par sa grâce et son bon goût".

On peut s'en rendre compte en écoutant notamment des titres comme Bass Pandemonium avec Jonah Jones (ci-dessous), ou Blue Thing Grey avec Ike Quebec.

Typique du type de formation dans lesquelles jouait Dave Rivera, cet extrait de Hi de Ho (1947) dans lequel on retrouve Cab répétant en petite formation (dont Teddy McRae). A noter : ce fut le premier jour de Panama Francis avec Cab Calloway !



On peut voir les qualités de Dave Rivera dans un Snader filmé en 1951, "Calloway Boogie. Derrière Cab, un simple quartet : Jonah Jones (tp), Milt Hinton (b), Panama Francis (d) et Dave Rivera au piano. Le type devant qui danse, c'est... Cab Calloway !



En 1951, Dave Rivera se souvint de ses racines porto-ricaines pour composer un titre sud-américain pour Cab, Que Pasa Chica? Il fallait profiter du succès que connaissait Cab en Amérique du Sud depuis les années 30. Et depuis le milieu des années 40, Cuba, le Paraguay et le Montenegro étaient des terres bénites pour les jazzmen dont la cote avait baissé sur le continent nord américain. Pas étonnant que Cab soit parti y faire une tournée en 1952 !

On a souvent parlé des périodes de vaches maigres de Cab Calloway. En lisant les registres des comptes, on constate que Cab préservait tout de même les salaires de ses musiciens : Rivera (comme Hinton et Francis) touchait 150$ par semaine, tandis que Jonah Jones (trompette solo et chanteur également) touchait 175$. Cab se versait 250$ hebdomadaires. Après le départ de Cab pour la tournée de Porgy and Bess, Dave Rivera forma son propre trio, assemblant quelques seconds couteaux tout à fait honorables, tels que le bassiste Alvin Junior Raglin (qui joua avec Ellington). En 1965, Down Beat (encore eux) le signale au Crystal Club en compagnie du bassiste Gene Ramey et du batteur Denzil Best.
Le Bulletin du Hot Club de France de janvier 1955 évoque un passage de Dave Rivera à Paris ("brillant pianiste"), certainement lors de la tournée européenne de Jonah JONES en juin 1954. A la demande typique du HCF sur ses musiciens préférés, Dave Rivera cite Vic Dickenson (tb), Buester Bailey (cl), Benny Carter (as), Coleman Hawkins (ts), Charlie Christian (g), Cozy Cole (d), Milt Hinton (b) et Art Tatum (p).

 

Un pianiste au milieu des mannequins :
le nouveau job de rêve de Dave !

Mais la principale occupation de Dave Rivera à partir de 1962 et jusque fin 1982, ce fut celle de directeur musical, arrangeur et pianiste de la Fashion Fair du magazine afro-américain EBONY. Chaque année, durant environ 7 mois, une troupe d'une vingtaine de mannequins sillonnait les USA pour présenter le dernier cri de la mode à destination du public noir, récoltant par la même occasion des fonds pour des œuvres caritatives.
On le voit ci-dessous souffler les bougies célébrant la 2000e performance avec l'Ebony Fashion Fair, plutôt bien entouré (voir ci-dessous la photo tirée de JET! magazine) !




 
Je ne suis pas encore parvenu à trouver la date du décès de Dave Rivera, mais j'ai bien l'impression qu'il vécut heureux. Comme son style pianistique au swing sensible et discret mais toujours efficace.



Sources :
  • "Rivera's Clever Pianistic Send Calloway Crew", Sharon A. Pease, in Down Beat, 1er février 1944.
  • "Dave Rivera" par Edouard Mourichon, Bulletin du Hot Club de France, n°44 janvier 1955, p 34
  • Of Minnie The Moocher and Me, Cab Calloway, Crowell 1976
  • Hi de Ho, The Life of Cab Calloway, Alyn Shipton, OUP 2010
  • Registre des passagers arrivant à New York (via www.ancestry.com)
  • Magazines JET! et EBONY

Si vous avez d'autres informations sur Dave Rivera, n'hésitez pas à les partager ici : à ma connaissance, il n'existe pas d'autre page Internet consacrée à ce musicien...
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