Discoveries of Cab Calloway broadcasts in the Savory Collection

"Every collector's wet dream", c'est ainsi que Loren Schoenberg qualifie ce qui est l'événement de l'année 2010 - peut-être des années à venir - dans le monde du jazz. Au printemps dernier, Loren Schoenberg, directeur du futur Musée du Jazz à Harlem, a fait l'acquisition d'une incroyable collection de disques de transcriptions radiophoniques des années 30. Ces quelque 975 acétates appartenaient à William SAVORY qui avait été ingénieur du son (il était dans l'équipe qui avait mis au point les 33 tours, rien que ça) et dont le métier était d'enregistrer pour de riches clients les concerts de musique classique et d'opéra qui passaient à la radio. Mais lui, ce qui lui plaisait, c'était le jazz...


Une des précieuses galettes de la collection Savory
(photo : copyright : Chester Higgins Jr./THe New York Times)

 

Bill SAVORY : un collectionneur de génie solitaire

C'est pourquoi, à ses moments libres, il enregistrait tout ce qui passait à la radio. Mais ce "tout" n'était pas n'importe quoi ni n'importe qui : Armstrong, Waller, Ellington, Basie, Allen, Holiday, Goodman... Tous les grands noms de l'époque du Swing l'intéressaient. Mais Savory en revanche n'était pas intéressé à partager ses disques. Savory apparaît cependant dans l'histoire du jazz à propos du fameux concert de Benny Goodman à Carnegie Hall pour lequel il fournit à Columbia ses enregistrements privés... Ils devinrent (et restent) le disque live de jazz le plus vendu ! C'est donc vous dire combien les amateurs éclairés parlaient avec respect et circonspection de la mystérieuse (voire mystique) collection Savory. Personne ne l'avait vue, entendue. Durant de longues années, Loren Schoenberg qui avait été secrétaire de Benny Goodman avait tenté de prendre contact avec Savory qui ne répondait jamais aux questions sur sa collection. William Savory est décédé en 2004 mais ce n'est qu'au printemps 2010 que Loren Schoenberg profita d'une visite à une convention de disques dans la région qu'il se rendit au domicile de Savory où son fils habite toujours. C'est alors qu'en quelques secondes, Schoenberg comprit qu'il avait touché le pactole ! Un garage rempli de caisses en bois ou de paquets de cartons. Certains étaient dans un état pitoyable, mangés par l'humidité et les champignons. Mais à y regarder de plus près, chaque galette portait une inscription magique...
Après un deal (dont le montant final est tenu secret), les caisses prirent le chemin de New York et le nettoyage puis le transfert commença, confié à Doug Pomeroy.


La restauration commence et est très prometteuse

Pour le moment (à la parution de cet article, oct 2010), environ 30 % de tous les disques ont été tranférés numériquement, bruts mais non restaurés. Soit environ 35 heures de jazz totalement inédit...

Certains disques étaient dans un tel état de décomposition qu'ils étaient perdus à jamais. Mais dans l'ensemble, les sillons sont récupérables. On peut d'ailleurs le voir à l'ouvrage dans la vidéo ci-dessous.



 
30 minutes inédites de Cab en direct du Cotton Club !

Parmi les trouvailles, il y a - naturellement - quelques titres de Cab Calloway. Près de trente minutes tout de même en 4 broadcasts différents tous captés au Cotton Club de Manhattan, probablement en novembre ou décembre 1938.

On y découvre des titres TOTALEMENT inédits et des configurations très rares. Ayant eu le bonheur de les écouter, je peux vous affirmer (confirmer, en doutiez-vous ?) que l'orchestre est tout simplement extraordinaire, en particulier Chu Berry (un des modèles de Loren Schoenberg, lui-même sax ténor et qui a écrit le formidable livret du coffret Mosaic) et Garvin Bushell à la clarinette (celui-ci se plaignait de ne pas avoir suffisamment de solos...).

Voici la liste des titres répartis dans les 3 enregistrements retrouvés (ceux indiqués en gras n'apparaissaient pas dans les discographies jusqu'alors) :
  • Papaya - un merengue dans lequel Cab chante avec des accents afro-cubains, un solo de Chu Berry puis un autre de Bushell.
  • I'm Madly in Love With You - coupé, mais avec un très mauvais son
  • I know That You Know de Vincent Younman - formidable instrumental 4 minutes à tempo très rapide où Chu Berry est particulièrement inventif, un solo de piano par Benny Payne à la Fats Waller (son idole), un très bon solo de trompette. Notons qu'on y entend vraiment très bien la guitare soutenue de Danny Barker.
  • Mr Paganini, Swing For Minnie - coupé par le speaker

  • Big Mouth Minnie - une énième variation sur Minnie The Moocher dans laquelle Cab compare la bouche de Minnie à une grotte, mais dans laquelle les trombones entonnent un chorus formidable, suivis par Bushell, Berry et la section de trompettes.
  • Honeysuckle Rose - avec la vocaliste June Richmond (je ne connaissais pas de broadcast avec elle, qui est restée quelques mois avec l'orchestre) qui reprend ce standard de Fats Waller
  • Miss Hallelujah Brown - vocal de Cab et succession de solos par Bushell, puis au trombone.
  • I Know That You Know - solos de Chu Berry puis de Benny Payne, chorus de sax et solo de trompette
  • Un thème inconnu - instrumental, coupé
  • China Boy - avec un scat chinoisant et délirant de Cab pour faire suite à un superbe solo de Chu Berry, sans oublier Bushell et le trompette qui présentent chacun un solo de première catégorie

  • Oooh-Oh-Boom! - "It's not Hi de ho, it's not Flat dee hi, But it's oooh-oh-boom!" ces paroles historiques chantées par Cab sont une reprise d'un titre de Benny Goodman permettant d'entendre successivement un solo de trombone, un de trompette, un de sax ténor
  • China Boy - pas aussi bon que le premier et coupé par l'annonceur.


China Boy, 1938 au Cotton Club (extrait d'1:36)

Version non restaurée (extrait)

Version restaurée (extrait)



Schoenberg Loren at Lincoln Center.jpg
Conférence avec Loren Schoenberg au Lincoln Center

Lors d'une "Listening party" au Lincoln Center le 7 octobre dernier, Loren Schoenberg a fait écouter aux auditeurs rassemblés quelques-uns de ses trésors. Tous étaient sur son Blackberry connecté au système audio de la salle. Tour à tour, avec une verve et un talent de conteur irrésistibles, Loren Schoenberg a fait écouter successivement :
  • Count Basie, "en direct" de Randall Island en 1938 dans un Farewell Blues jusque-là inédit et dont n'avait "que les images".
  • Joe Bushkin
  • Le tout dernier solo d'Hershel Evans enregistré fin décembre 1938 (après celui qu'on pensait ultime du concert From Spiritual to Swing), décédé quelques mois plus tard et dans lequel on sent toute sa fatigue.
  • Le "first integrated broadcast" du printemps 1936 à Chicago avec Benny Goodman, Gene Krupa et Teddy Wilson (qui n'avait pas le droit d'être sur la même scène que ses compagnons de jam)
  • Un titre avec Harry James à la batterie (!)
  • Un délirant Tiger Rag avec une époustouflante clarinette de Buster Bailey, en compagnie de Bunny Berrigan et Trummy Young
  • Un Charlie Christian inédit en compagnie de Benny Goodman et Lionel Hampton (eh oui, il en retait encore un !)
  • Une jam session de 1938 avec Tommy Dorsey, Artie Shaw et Chu Berry (dont on entend même la voix !)...
Bref, en près de deux heures, la trentaine de personnes présentes à pu entendre des morceaux jusqu'à présents oubliés ou inconnus. Veinards !

 
La Savory Collection en écoute libre (ou presque)

Si vous souhaitez écouter les titres des artistes que vous adulez, prenez rendez-vous avec Loren Schoenberg au Visitors Center du Jazz Museum in Harlem. Il se fera un plaisir de vous préparer une play list spéciale, à écouter religieusement (ou frénétiquement) sur un iPod dédié. Et, non, vous ne pourrez malheureusement pas repartir avec les pistes en question. Les questions de droits n'étant pas encore réglées, il va falloir patienter. Qui sait, un jour peut-être, tous ces trésors seront rendus accessibles et gratuit sur Internet... C'est le souhait de Loren Schoenberg et de tous les jazz fans !


Vous pouvez naturellement écouter de nombreux extraits issus des premiers travaux de Doug Pomeroy en vous rendant sur ces sites :
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