Rhapsody in Reverse: Calloway and Stokowski’s uncompleted symphony

 
Il n'y a pas que le Hi de Ho dans la vie de Cab Calloway ! En tout cas, si en 1939 il disait déjà vouloir arrêter la recette qui avait fait son succès (voir notre article à ce sujet), Cab avait même des velléités du côté d'une oeuvre symphonique. Etonnant, non ? The Hi de Ho Blog va vous en dire (un petit peu) plus.


Dès 1940, un regard du côté de Carnegie Hall.

Dans un article paru dans le New York Amsterdam News du 27 avril 1940, Cab déclare que depuis 3 mois, il a passé tout son temps libre à travailler sur une symphonie intitulée "Symphony in Swing Time" et qu'il espère la présenter un jour à Carnegie Hall. Paul Whiteman et son travail avec Gershwin semblent avoir influencé Cab mais, dit-il "La Rhapsody in Blue n'est pas vraiment du jazz mais plutôt de la musique classique légère, tandis que ma symphonie sera franchement jazzy. Quand elle sera achevée, je le présenterai à Leopold Stokowski (NDLR : vous savez, le chef d'orchestre qui apparaît dans les séquences de Fantasia de Walt Disney - 1940). De tous les grands compositeurs symphoniques, Stokowski possède la meilleure vision et rassemble les espoirs tout jeune compositeur. Lui seul a la vision et le courage de jouer la musique 'd'inconnus'"


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Avant de parler d'un projet musical,
vérifiez que Fats Waller n'est pas dans le coin...

En effet, en novembre 1942 apparemment, Cab exprimait encore l'idée de faire une oeuvre symphonique.  Cela s'est apparemment déroulé un jour que Fats Waller et Cab jouaient dans la même ville, et qu'ils se retrouvèrent dans un restaurant chinois après leurs concert srespectifs. Fats venait de jouer des variations jazzy sur Bach avec Dimitri Mitropoulos  (chef d'orchestre d'origine grecque, dirigeant depuis 1937 l'orchestre symphonique de Minneapolis) lors de ses fameuses Friday Night Jam Sessions. Cab aurait alors dit : "Un jour, je me tiendrai devant une centaine de musiciens et je dirigerai une de ces grandes symphonies !" Fats qui ne perdait pas une occasion de faire de l'humour - même vachard - aurait alors rétorqué : "Quand tu feras ton truc et que tu en seras à la Cinquième de Beethoven, tu vas leur donner du upbeat ou du downbeat ?"


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Whiteman, Dorsey, Stravinsky... Pourquoi pas Calloway ?

La Rhapsody in Blue de George Gershwin datait de 1924 mais avait bel et bien marqué les esprits. Les autres exemples de pont entre la musique classique et le jazz ne manquent pas (ne serait-ce qu'en France avec Maurice Ravel). En 1944, Paul Whiteman avait joué un titre composé spécialement par Stravinsky (le même Stravinsky qui composera début 1946 l'Ebony Concerto pour Woody Herman) ; n'oublions pas non plus les concerts de jazzmen au Carnegie Hall de New York qui débutèrent dès 1939... Cab participa même comme invité à l'un d'eux en octobre 1939. Ou encore le  Concerto for Trombone de Nathaniel Shilkret composé en 1942 pour Tommy Dorsey, venait d'être joué par le New York City Symphony en février 1945 avec Dorsey comme soliste, dirigé par... Leopold Stokowski.


"Calloway & Stoki May Do Operetta"
(Down Beat, 15/08/1945)

Billboard 1946 may Cab Calloway Rhapsody in Reverse.jpgAlors, durant l'été 1945 (soit 5 ans après la première déclaration de Cab !) courut à nouveau la rumeur rapidement confirmée d'une éventuelle collaboration entre Cab Calloway et Leopold Stokowski. 
Tandis qu'il jouait 3 shows par soir au Cafe Zanzibar de New York (souvenez-vous : c'est là qu'il a mis une trempe à Claude Hopkins pour une histoire de tête d'affiche...), Cab semblait mettre un point final à une production qui serait jouée à Broadway à l'automne. La toute nouvelle épouse (et millionnaire) de Stokowski, Gloria Vanderbilt était même censée la financer. Les premiers contacts auraient été pris au tout début 1944, lors d'une rencontre informelle et le projet serait le fruit de leur conversation.

Le livret de l'opérette (dont on a perdu toute trace apparemment) parle des aventures d'un chef d'orchestre de jazz au XXe siècle qui se réveille un jour à l'époque des grands maîtres du classique... Où l'on revoit bien ce qu'exprimait Cab devant Fats quelques années plus tôt !
Côté musique, c'est plutôt Stokowski qui est remplit les portées : "Il écrit la plupart de l'opérette. Il a un formidable sens du jazz et s'est vraiment beaucoup investi dedans" déclare Cab à propos de son nouveau collaborateur. En même temps, il dit ailleurs que "le show est loin d'être sûr et que lui et Stokowski ont encore à parler de la possibilité d'écrire ensemble."

Le 4 août, le journal de Baltimore, Afro American précise tout de même que le projet est repoussé, Cab prenant des vacances en Amérique du Sud en septembre mais étant bien décidé à passer par Hollywood pour rencontrer Gloria Vanderbilt et vérifier l'avancée du projet. Tout cela semble déjà bien évasif et semble plutôt cacher le piétinement de Rhapsody in Reverse... Il faut dire que Stokowski et les Etats-Unis sont un peu tournés vers d'autres problèmes à ce moment-là. Le premier est en train de créer le Hollywood Bowl Orchestra et les seconds en train de gagner la guerre. Résultat, on n'entend plus guère parler de cette histoire puis progressivement la carrière de Cab Calloway entame - comme la plupart des autres big bands - un déclin notable.
Pourtant, en mai 1946, Rhapsody in Reverse revient sous le feu des projecteurs en faisant la couverture du magazine Billboard (la seconde fois que Cab apparaît en première page de cet incontournable du show-business) et sa sortie semble imminente. Il serait même alors en train de s'amuser à écrire une partition sur Romeo et Juliet...


On s'en reparle en 1948...

En 1948, dans une interview parue dans le magazine français Jazz Hot (la seule qui lui ait jamais été consacrée... et c'était le numéro 22 !!), Cab Calloway confie à Félix Manskleid qu'il espère toujours terminer une "opérette swing" (dixit) intitulée Rhapsody in Reverse... (et qu'il travaille même sur son autobiographie à paraître, Hi-de-Ho Man - bon, elle ne verra le jour que 28 ans plus tard !).

Où diable est passée cette ébauche de composition ? Dans les papiers de Stokowsky ? Dans les archives de Cab ? Dans l'inventaire que j'ai pu consulter, rien ne semble s'y référer, si ce n'est un groupe de partitions sans titre... Faudra bien que j'aille vérifier un de ces jours dans les cartons à Boston !


Sources et références :
  • Down Beat (15 août 1945)
  • Baltimore Afro-American (04 août 1945)
  • Billboard (18 mai 1946)
  • Jazz Hot, n°22, page 14 (avril 1948)
  • Jazz Anecdotes de Bill Crow (anecdote avec Fats Waller)

Merci à Jean-Pierre Hartmann pour le numéro de Jazz Hot !
Merci à Stephen Taylor (auteur de Fats Waller on Air)
pour son aide pour dater précisément la conversation entre Cab et Fats

 

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