Walter Foots THOMAS: the tenor sax in the shadow (2/2)

Walter Purl ‘Foots’ THOMAS
(10 février 1907 Muskogee, OK – 26 août 1981 Englewood Cliffs NJ)
Saxophone ténor et baryton, clarinette, flûte et arrangeur
dans l’orchestre de Cab Calloway de 1929 à 1943

Deuxième partie du portrait de l’un des plus fidèles compagnons de route de Cab Calloway mais sur lequel on ne sait que trop peu. Après une enfance heureuse dans l'Oklahoma, Thomas est vite parti sur les bateaux du Missouri et joué en compagnie d'Ed Allen, Fate Marable, Ferdinand Jelly Roll Morton. C'est à New York qu'il veut réussir et l'orchestre du Cotton Club d'Andy Preer lui ouvre les bras. Vient ensuite un engagement avec les Missourians rapidement dominés par le petit nouveau : Cab Calloway.
Avec lui, Walter Thomas va rester au même pupitre durant 13 ans, accumulant les fonctions de chef de la section des saxophones, arrangeur, directeur musical et chef d'orchestre par intérim lorsque le Cab en chef n'est pas sur scène. Tout cela sans jamais passer de l'ombre à la lumière. A partir de 1943, il voudra voler de ses propres ailes, mais sera lui aussi confronté à la dureté de l'époque. N'empêche, les quelques pistes gravées en 1944-45 comme les moments qu'il passera encore avec quelques-uns des plus grands donnent à la deuxième partie de son existence un goût fantastique. The Hi de Ho Blog vous la raconte...
 
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Cab Calloway et les Missourians
(Walter F. Thomas est le premier à droite).
 
Un des Missourians de tête
Souvenez-vous, lors de la session du 24 août 1930, les Missourians enregistrent Prohibition Blues de et arrangé par Walter Foots Thomas. Et apparemment, les performances de Walter Thomas avec les Missourians impressionnèrent suffisamment Cab pour qu’il lui confiât plusieurs solos et surtout les arrangements de la plupart des morceaux de l’orchestre, SON orchestre.
Commence alors pour Walter Thomas un rôle qui va aller grandissant. Leader de la section de saxophones, arrangeur principal (ce qui constituait un revenu complémentaire de 15 à 20 dollars par titre), directeur musical, répétiteur de l’orchestre, chef lorsque Cab n’était pas en personne sur scène… Foots devint « the straw man », le deuxième homme de l’orchestre. C’est lui qui conseillait Cab dans le choix des musiciens à engager.
Mais Gunther Schuller lui reconnaît un rôle nettement plus important : celui d’avoir façonné la sonorité de l’orchestre des premières années. Sur Black Rhythm (août 1931), Schuller estime que Thomas a su trouver des harmonies subtiles et des enchaînements de solos ingénieux et novateurs, notamment sur le chorus final. Sachant justement se renouveler, Thomas fit de Bugle Call Rag et surtout de Some of These Days, des exemples toujours aussi stupéfiants, quelque 70 ans plus tard. En effet, Some of These Days est l’un des titres les plus rapides jamais enregistrés à l’époque (tempo de 300 au quart de note) ! Gunther Schuller précise : « Il est étonnant qu’un tel tour de force ait eu si peu de reconnaissance, hier comme aujourd’hui, particulièrement lorsqu’on le compare au succès d’alors Casa Loma Stomp (enregistré 17 jours plus tôt – et à un tempo de seulement 240 à la noire). Non seulement Some of These Days offre des solos en style staccato par [DePriest] Wheeler, [Andrew] Brown (au ténor), [William Thornton] Blue (à l’alto et à la clarinette), Thomas (au baryton), mais à la moitié, les trois hommes de la section de saxophones se bâttent dans un puissant chorus d’ensemble, remportant presque la victoire. [Lammar] Wright, comme déjà mentionné, et [Wendell] Culley prennent également un solo, la performance s’achevant dans un coda parfait […]. Un splendide autre coda est dû aux arrangements de Thomas dans Nobody’s Sweetheart […]. »

Dans un témoignage audio disponible sur NPR (National Public Radio), Walter Foots Thomas explique comment il ralentirent le tempo de Minnie The Moocher pour en faire le succès que l’on connaît.

Autre témoignage, celui de Cozy COLE qui, au début des années 30 a souvent croisé Walter Thomas. Cole était un jeune homme et le voyait effectivement venir tester ses arrangements pour Cab avec l’orchestre du Rose Danceland, celui de… Blanche Calloway (petit rappel, si vous avez suivi : le frère de Walter, Joe, était alors dans l’orchestre de la sœur de Cab !). Cela permettait à Thomas d’enlever les mauvaises notes et au bout du compte, l’orchestre de Blanche disposait des mêmes arrangements que celui de son frère !

 
 
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Dans le film The Singing Kid (1936).
Walter Foots écrit les arrangements pour les titres de l'orchestre de Cab.

Dernière petite surprise, avec ce témoignage de Marshal ROYAL qui remplaça Walter Thomas fin 1935 lorsque ce dernier dut écrire les arrangements des chansons de Cab pour son prochain film, The Singing Kid, avec Al Jolson. Cela dura une semaine ou dix jours mais permit tout de même à Royal de jouer en compagnie de Ben Webster, alors dans l’orchestre de Cab.
 
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Cozy Cole : repéré par Walter Foots Thomas
 
Un homme clé de l'orchestre de Cab

Vétéran de l’orchestre, Walter Foots Thomas était l’un de ceux qui avaient l’oreille de Cab. Et lui-même en avait une de bonne oreille : c’est lui qui conseilla à Cab d’embaucher notamment Doc Cheatham et Cozy Cole. Ce dernier témoigne dans The World of Swing de Stanley Dance : « Nous [Stuff Smith, Jonah Jones et Cozy Cole] travaillions alors au Merry-Go-Round à Newark lorsque Walter Foots Thomas me parla de rejoindre l’orchestre de Cab Calloway. ‘Qu’est-ce que tu risques ?' dit-il, ‘c’est un bon job, bien plus stable qu’avec Stuff,  j’imagine !’ Il n’y avait que deux orchestres noirs célèbres à ce moment : ceux de Duke et de Cab. Jimmie Lunceford arriva un peu plus tard et Don Redman et d’autres faisaient aussi envie mais ils n’étaient pas aussi ‘gros’ que ceux de Duke et de Cab. ‘On sera au Cotton Club six mois par an’ continua Foots, ‘et le reste du temps on fera la tournée des salles. C’est vraiment un bon boulot ! » Résultat, le batteur Leroy Maxey fut viré du jour au lendemain.
 
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La section de saxophones en 1934 :
Eddie Barefield, Arville Harris, Andrew Brown, Walter Thomas

Une fois dans l’orchestre, les nouveaux, s’ils étaient « adoptés » par les anciens étaient protégés ou conseillés par eux Garvin Bushell (saxophone) témoigne dans son autobiographie, Jazz from the Beginning que c’est Foots Thomas qui lui conseilla d’améliorer son jeu de saxophone plutôt que la clarinette, en prenant des cours avec son professeur Merle Johnston.

Pour le jeune Milt Hinton (contrebasse), fraîchement engagé dans l’orchestre, Foots fit tout ce qui était en son pouvoir pour convaincre Cab de le garder à l’arrivée de l’orchestre à New York et ce, malgré les difficultés que posait le syndicat local (le transfert de carte syndicale prenant alors 6 mois). Un contrebassiste de remplacement, Elmer JAMES (de l’orchestre de Chick Webb) avait été embauché mais, d’après Foots Thomas, ne faisait pas l’affaire. En compagnie de Ben Webster, Lammar Wright, Keg Johnson, Foots Thomas fit pression sur Cab pour qu’il donne sa chance à Milt Hinton. Et personne ne le regretta ! D’ailleurs, lorsque Walter Thomas quitta l’orchestre de Cab, ce fut au tour de Milt Hinton de devenir le directeur musical de l’orchestre.
 


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Jerry Blake, Chu Berry, Chauncey Haughton,
Walter Thomas, Andrew Brown : une bien belle section de saxophones (1940) !

Avec Benny Payne, qui témoigne dans Of Minnie The Moocher and Me, Foots lui donna le truc pour jouer en syncope, une étape quelque peu décisive pour un pianiste de la section rythmique !
De la même manière, Foots Thomas s’arrangeait pour que Cab ne voie pas le prix « exorbitant » payé pour des arrangements achetés à Benny Carter ou encore pour qu’il ne se rende pas compte qu’il avait échangé l’arrangement d’un autre orchestre pour un des leurs.

En tant que directeur musical de l’orchestre, Foots était toujours à l’affût de ce qui se passait. Et chaque fois qu'il s'arrêtait dans une ville où il y avait un professeur de saxophone réputé, Walter allait lui rendre visite. Tout ce qu'il voulait, c'était améliorer son jeu. Benny Payne se souvient que lors des tournées du côté de Chicago pourtant, Walter se rendait systématiquement dans le Southside et « allait rendre visite à un vieil homme qui jouait de la flûte dans un orchestre de fosse. Ce vieil homme faisait résonner cette flûte comme du pur miel. Foots passait des jours à l’écouter, à parler et à apprendre avec lui. »
 
Cab Calloway's Cotton Club Orchestra 1936
L'orchestre de Cab en 1936. Walter Thomas est juste à la gauche de Cab.
 
Vétéran à l'écoute des autres jazzmen

En juillet 1941 – et là, c’est Milt Hinton qui raconte l’anecdote – l’orchestre de Cab se trouvait en Californie, prenant le relais de celui d’Ellington. Ils venaient de partir en laissant derrière eux le jeune contrebassiste de génie, Jimmy BLANTON, mourant. Milt demanda à son ami Foots qui était de religion chrétienne de venir parler à Blanton et lui lire des passages de la Bible. Mais ils vinrent trop tard ce jour-là : Blanton était mort.

Une autre anecdote racontée par l’inépuisable Milt Hinton explique que Charlie PARKER venait souvent au Cotton Club voir en coulisses jouer l’orchestre de Cab, pour ensuite parler avec lui et les musiciens de l’orchestre. Étant donné la fréquence de ses visites, on peut aisément imaginer que les deux saxophonistes se rencontrèrent… D’autant plus que Chan Parker, la femme de Charlie travaillait là à cette époque et que, chaque fois que la voiture de Chan était en panne, Foots la ramenait chez elle, à Yonkers. Mais lorsqu’il narre cette anecdote, Milt s’attarde sur un tourne-disque qu’il avait acheté sur les conseils de Foots, afin d’écouter de la musique classique ou tout simplement d’autres disque de jazz après le deuxième concert de la soirée. Un signe d’ouverture évident, certainement encouragé par le directeur musical de l’orchestre, Walter Thomas.
 
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Cab Calloway and his orchestra 1943
De l'orchestre de 1930 à celui de 1943, combien reste-t-il de Missourians ?

Au milieu des années 40, seuls 3 des Missourians de la première heure étaient encore aux pupitres de Cab Calloway : Lammar Wright (trompette), Andrew Brown (sax) et bien sûr Walter Foots Thomas. Pourtant, en 1943, il cède aux sirènes et, peu après le tournage de Stormy Weather, quitte l’orchestre de Cab. Il ne rejouera avec l'orchestre de Calloway qu'en 1975, lors d'un concert au festival de jazz de Newport.
 
Un All-Stars de rêve aux pieds de l'humble 'Foots'

Il faut dire que le bon Walter devait en avoir assez de toujours passer après les « vedettes » de l’orchestre. Jan Evensmo (grand solographe parmi les solographes) indique en effet que les Ben WEBSTER et autres Chu BERRY prenaient tous les solos (avec quel talent !), Walter Thomas devant se contenter d’être le leader de la section de saxophones, le principal arrangeur de l’orchestre et le deuxième chef après Cab… On notera tout de même quelques courts solos de-ci de-là , notamment à la flûte (voir en fin d’article).
 
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En 1943 donc, Walter Thomas rejoint l’orchestre de Don REDMAN et enregistre quelques titres avec lui, sortant uniquement en V-Discs.
Puis, en 1944, Walter monte son propre groupe, les « Jump Cats » avec lequel il obtient un engagement de 6 mois au club Zanzibar de New York et enregistre pour le label Joe DAVIS. En tout, 31 pistes furent enregistrées en 4 sessions entre avril 1944 et juin 1945. C’est l’occasion pour Foots de retrouver quelques complices de l’époque de Cab et quelques autres belles pointures :
  • 1er avril 1944 : Emmett Berry (tp) Ben Webster (ts) Walter "Foots" Thomas (ts, as) Budd Johnson (ts, bars) Clyde Hart (p) Oscar Pettiford (b) Cozy Cole (d).
  • 11 octobre 1944 : Jonah Jones (tp) Eddie Barefield (cl, ts) Hilton Jefferson (as) Coleman Hawkins, Walter "Foots" Thomas (ts) Clyde Hart (p) Milt Hinton (b) Cozy Cole (d).
  • 8 mars 1945 : Charlie Shavers (tp) Milt Yaner (cl, as) Ben Webster (ts) Walter "Foots" Thomas (ts, as) Ernie Caceres (bars) Billy Taylor (p) Slam Stewart (b) Cozy Cole (d).
  • 27 juin 1945 : Doc Cheatham (tp) Eddie Barefield, Hilton Jefferson (as, cl) Ted McRae, Walter "Foots" Thomas (ts) Buddy Safer (bars) Billy Taylor (p) Milt Hinton (b) Specs Powell (d).

Ces faces, enregistrées pour le label Joe Davis, sont considérées comme des exemples de swing à l’état pur. Il faut dire que Foots Thomas avait su bien s’entourer et sans doute travailler ses arrangements ! La session du 1er avril 1944 a lieu juste à la fin de la grève des enregistrements ("ban records"). C'est Joe DAVIS qui demanda à Walter Thomas de monter ce groupe pour l'occasion. "J'ai essayé d'avoir les meilleurs que je pouvais trouver et ils furent tous très coopératifs," explique Walter Thomas au dos de la pochette du LP. Il avait rassemblé autour de lui nombre de ses anciens compagnons de pupitre chez Cab : Ben Webster, Cozy Cole, Hilton Jefferson, Doc Cheatham, Jonah Jones, Milt Hinton... Et, de session en session, Thomas put élargir le nombre de saxophonistes jusqu'à avoir "carrément ma section complète !"

Entretemps, il avait dirigé la première session d’enregistrement de Thelonious MONK le 19 octobre 1944, avec Coleman Hawkins (ts) Edward "Bass" Robinson (b) et Denzil Best (d). Etant alors A&R (Artist & Repertoire, c’est-à-dire directeur artistique, celui qui est chargé d’identifier les nouveaux talents puis qui a la charge de toute la partie artistique) pour le label Joe Davis, Walter Thomas s’appropria alors les droits (publishing), méthode peu orthodoxe mais qui avait très souvent cours à cette époque, en compensation de l’organisation de la session. Après cela, néanmoins, il ne travailla plus pour le label Joe Davis.

 

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De la musique aux musiciens...

C’est donc au 117 West 48th rue à New-York, que Walter Thomas ouvrit son studio pour donner des leçons de saxophone : dans une publicité parue en avril 1945, il vante ses mérite : « Professeur de saxophone (anciennement avec Cab Calloway) – Cours spéciaux pour l’improvisation et le jeu ad libitum – Cours d’improvisation par correspondance disponibles ». Ce studio, il le partage avec Cozy COLE, ex-musicien de Cab lui aussi. Là, Walter donnait donc des cours et l’on peut compter parmi ses élèves quelques futures illustres tels que Jackie McLEAN, le saxophoniste alto bebop et Ornette COLEMAN (envoyé là par son oncle par alliance, Doc CHEATHAM !). En 1949 paraîtra même un livret de compositions de Nathan KROLL pour 5 saxophones à l’intention du quintet Walter Foots : March for 5 Saxes, Blue Nocturne, Electric Hobby Horse et Raindrop Serenade.
David Holmes, qui l'interviewa en 1978 pour son livre Jazz Greats, prit lui aussi des cours avec Walter Thomas ; il se souvient d'un professeur donnant toute son importance à "la tonalité, l'attaque, le contrôle du souffle et le phrasé." A ce titre, Walter Thomas peut être considéré comme un innovateur, étant un des premiers à donner des cours d'improvisation, de "ad lib playing" (disponible également par correspondance !). A cette époque, tous les autres musiciens pensaient qu'on naissait improvisateur et que rien ne permettait de l'apprendre ! Fidèle à ses habitudes, Walter Thomas continuat de prendre des cours de saxophone dans le même immeuble où il était professeur et ce, chaque matin avant de débuter ses leçons !

Enseigner ne l’empêchait pas de continuer à enregistrer. Le 17 septembre 1945, Walter Thomas accompagne deux groupes vocaux comme on en entendait beaucoup à cette époque : les Five Red Caps et le Magnolia Five.
 
En 1945, Walter Thomas enregistre 4 faces pour Majestic, dirigées par Earl BOSTIC. Encore une session à l’alto avec Miss Rhapsoday (aka Viola Wells) pour Savoy en mai 1945, une autre au ténor avec un autre ténor, Joe Thomas, pour King en 1951 et avec la chanteuse Annie LAURIE en décembre 1953, en compagnie d’Al Sears qui prend les solos… et c’est à peu près tout. À part cela, Walter Thomas est appelé en 1946 par Cozy COLE, son batteur de l’époque Calloway (qu’il a d’ailleurs fait rentrer dans l’orchestre, rappelez-vous) pour une session Continental avec Don BYAS (qui prend tous les solos).
Apparemment, dès 1948, Walter Thomas semble cesser ses activités musicales à plein temps pour se consacrer essentiellement à sa mission d'agent d'artiste. Il travaille notamment pour l'agence Billy SHAW ; il semble même s'accocier avec Cozy Cole dans l'édition musicale.

Témoignage des années 1952-1953, Cecil TAYLOR se souvient alors d’un Walter Thomas en agent d'artiste peu motivé et peu enclin à écouter les innovations musicales. À cette époque, le pianiste joue avec Kenny HYERS (saxophone) Earl Griffith (vibraphone) Jack wilson (drums): “Nous avions eu une audition avec Foots Thomas pour un engagement mais ça n’a pas marché. Foots Thomas était un ancien joueur de saxophone, avait son bureau dans le Strand Building, je crois; le genre de gars  qui promettait la lune, si vous voyez ce que je veux dire. Il nous dit qu’on devait changer notre façon de faire si on voulait avoir des engagements par lui. Je me souviens que Kenny avait écrit une belle variation de ‘Sweet Georgia Brown’; cela commençait par les modulations et ensuite ça reprenait le thème. Quand on l’a joué, ça nous a tous mis par terre. Foots dit : ‘Mais qu’est-ce que vous me jouez là ?’ C’était toujours comme ça avec lui.”

Walter Foots Thomas fut tout de même l’agent de Ben Webster, Dizzy Gillespie (dans les années 70), de vieilles connaissances, mais aussi de Bill Doggett et Bill Davis. Mais je n’ai guère de renseignements précis sur le sujet, si ce n’est qu’apparemment l’époque n’était vraiment pas facile pour les musicians de jazz, et en particulier pour les sax tenors qui souffraient de l’hégémonie de Lester YOUNG.

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Walter Foots Thomas en 1978 (photo de John W. Thomson dans Jazz Greats)

Le monde de la musique s'éloignait petit à petit de Walter Thomas, à moins que ce ne fût l'inverse. Il faut dire qu'en 1975, une attaque le paralyse en partie et l'empêche de retoucher à son instrument jusqu'à la fin de ses jours. Au cours d'une interview en 1978, il déclare être en train d'écrire un livret de duos pour saxophones et un manuel d'exercices. Il semble alors être encore en activité, même réduite, dans son rôle d'agent d'artistes.

Comme beaucoup de musiciens de jazz de la grande époque, Walter Thomas avait  une opinion mitigée à propos ceux de la nouvelle génération. Mais il aimait par-dessus tout Miles DAVIS, estimant qu'il n'imitait jamais. Dizzie GILLESPIE avait également grâce à ses yeux. Précisons encore qu'ils jouèrent ensemble près de deux ans entre 1940 et 1941 (même si, à l'époque, Foots ne comprenait pas pourquoi il jouait tant de notes).

Depuis les années 40, il demeurait à Englewood dans le New-Jersey, à quelques pas de son vieil ami Tyree Glenn avec qui il passa beaucoup de temps à la retraite. Et c’est là qu’il s’est éteint des suites d'un cancer, oublié de beaucoup, le 26 août 1981. Quelques semaines plus tôt dans une interview à Steve VOCE, Milt Hinton expliquait que Foots était souffrant mais qu'il venait régulièrement chez Mona et Milt pour dîner. En tout cas, ceux de l'orchestre de Cab ne l'avaient pas oublié...


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Quelques titres à réécouter en prêtant l’oreille à Walter Foots Thomas :
  • Prohibition Blues (17 février 1930) : Walter Thomas en est le compositeur-arrangeur et effectue un solo de baryton.
  • Saint James Infirmary (23 décembre 1930) pour son chorus au baryton remarquable que « même Harry Carney aurait eu du mal à égaler ! » dixit Steve Voce (1957).
  • Hot Toddy (21 septembre 1932) pour les arrangements brillants et le solo véloce.
  • Avalon (4 septembre 1934) pour son solo de flûte, en compagnie de Morris White à la guitare.
  • Some of These Days (enregistré pour l’émission Shell Château en janvier 1936) : splendide solo de flûte vers la 23e minute de l’émission.
  • F.D.R. Jones (2 novembre 1938) pour son traitement assez hollywoodien des arrangements qui valorisent le solo de Chu Berry (d’après Loren Schoenberg dans ses notes du livret du coffret Chu Berry chez Mosaic Records).
  • Boog It (8 mars 1940) pour deux mesures de solo, sans doute les seules enregistrées tandis que Chu Berry était dans l’orchestre.
  • Chant of The Jungle (27 juillet 1942) pour le plus long solo de sax ténor enregistré par Walter Foots Thomas sur un titre qui fut à l'époque… rejeté par la Columbia !

Renseignements issus notamment de :
N.B. : Je reste à la recherche d’un article écrit par Walter Thomas pour le magazine britannique Rhythm (novembre 1946) sur un autre saxophoniste : « Highlights on Julian Dash » Si vous le connaissez, n’hésitez pas à m’en parler

Merci à Mario Schneeberger pour ses précieux et précis relevés des solos de Walter Thomas.
Cet article n’aurait pu voir le jour sans l’aide spontanée et le soutien amical d’Yvan FOURNIER. Qu’il soit ici remercié pour ses apports discographiques, ses précisions et l’acuité de sa mémoire encyclopédique.
 
 
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