BEN WEBSTER: when the Frog worked for Cab (2/2)

Ben Webster

Dans cette seconde note consacrée à la carrière de Ben Webster au sein de l’orchestre de Cab, nous allons examiner comment le train-train du Cotton Club et le manque d’opportunités de solos dans l’orchestre de Cab Calloway poussèrent Ben Webster à quitter un train de vie inespéré (et qu’il ne retrouvera jamais !).


Retour au train-train du Cotton Club...
Après une tournée éprouvante dans le Sud en juin et juillet 1936, l’orchestre de Cab Calloway reprit sa place au sein du Cotton Club pour six mois, avec la 27e revue.
Son pupitre dans l’orchestre de Cab n’empêcha pas Ben Webster de continuer à enregistrer avec d’autres et notamment Duke ELLINGTON, Billie HOLIDAY, Teddy WILSON.
Alabama BarbecueIl faut dire que les soirées au Cotton Club (sans presque aucune occasion de solo ou même de challenge) devaient lui sembler longues à Ben Webster… Lui qui avait le goût des jam sessions, partait avec son saxophone en compagnie du jeune Milt Hinton. Celui-ci tira de ces expériences le sens de l’écoute de l’autre.

Ecole buissonnière avec d'autres jazzmen ? Pas question !
Et il prenait des risques, Ben Webster, puisque Cab n’aimait pas, mais alors pas du tout que ses musiciens fassent de telles infidélités. Buchmann-Moller précise d’ailleurs que le 21 octobre 1936, alors que Teddy Wilson voulait organiser une séance pour Billie Holiday, avec Irving RANDOLPH, Milt Hinton et Ben Webster, Cab piqua une crise. Il engueula tout le monde mais Ben ne se laissa pas faire : « Si c’est comme ça, je quitte l’orchestre ! » Finalement, Cab admit qu’il était plutôt fier d’avoir des musiciens que beaucoup voulaient avoir à leurs côtés (et en plus, se priver d’un saxophoniste à succès tel que Webster relevait de l’inconscience !).

Mars 1937 : après plusieurs mois à New York, notamment au Cotton Club, l’orchestre de Cab partit pour une nouvelle tournée de quatre mois : Philadelphie, Washington DC, Montréal, Toronto, Détroit, Cleveland, Kansas City, Chicago, Minneapolis… C’est d’ailleurs à Minneapolis que Ben Webster et Milt Hinton repérèrent un autre jeune contrebassiste, nommé Oscar PETTIFORD (14 ans !!). Au point de l’inviter à jouer devant l’orchestre le lendemain.


Chu Berry
Chu Berry n'allait pas tarder à devenir le chouchou de Cab...

Ben présente son successeur : Chu !
Arrivé à Chicago, Ben Webster profite de la présence de l’orchestre de Fletcher HENDERSON pour annoncer à Cab sa démission. En chef d’orchestre qui se respecte, Cab demanda en effet à Ben de se trouver un remplaçant de bon niveau. Et qui était chez Henderson à ce moment ? Le jeune et déjà prodigieux Leon Chu BERRY ! Ce dernier accepta l’offre d’échange de pupitres. Pour Chu Berry, c’était découvrir un nouveau type de vie (et le salaire qui allait avec) ; pour Ben Webster, c’était enfin la possibilité de rejouer avec un chef qui laissait de la place pour les solos.

Après ses deux semaines de préavis, Leon Chu Berry rejoignit l’orchestre de Cab fin juillet 1937 à Cleveland et Ben Webster resta volontairement à ses côtés pendant deux soirs pour lui montrer les subtilités du répertoire de Cab. Ensuite, il partit pour Chicago rejoindre son nouvel orchestre.

C’est ainsi que Ben Webster disparut des pupitres de Cab. Ben Webster garda longtemps le contact avec ses anciens partenaires, notamment Milt Hinton. D’ailleurs, vers la fin de sa vie, alors qu’il n’était plus qu’un pauvre hère, ivrogne et sans le sou, Milt accueillit Ben Webster chez lui et le logea de longs mois.
D’autres circonstances particulières remirent Ben en contact avec Cab. A cette époque, Ben Webster avait rejoint Duke Ellington. Son orchestre et celui de Cab étaient partis en tournée et avaient accroché ensemble leurs deux wagons Pullman pour parcourir l’ouest des Etats-Unis. Les membres de chaque orchestre purent ainsi jouer ensemble, échanger, etc. et Ben Webster put annoncer à Milt Hinton qu’il avait composé un chouette morceau, qui allait devenir… Cotton Tail.

Ben Webster resta 3 années chez Duke Ellington, devenant un de ses principaux solistes (il y revint de 1948 à 1949). Il promena alors son style de ballades en ballades, notamment avec Art TATUM. En 1964, il quitta les USA pour le Danemark. Il y vécut les dernières années de sa vie, sombrant dans l'alcoolisme. Il mourut à Amsterdam, pauvre et déchu, le 20 septembre 1973.

Dans ses enregistrements avec Cab Calloway, on peut entendre des solos de Ben Webster sur les titres suivants :
Une fine analyse de chaque solo est disponible dans le livre de Buchmann-Moller*.

Pour tout, mais alors tout savoir sur Ben WEBSTER :
Someone To Watch Over Me

* Someone To Watch Over Me, de Franck BUCHMANN-MOLLER (éditions Jazz Perspectives, 2006).
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