Plus de 250 pages pleines de vie, de jazz, de souvenirs plus ou moins « arrangés » pour l’occasion… et surtout une mine d’informations capitales pour bien connaître la vie de Cab Calloway mais aussi son époque et ses musiciens.
Durant un an (soit jusqu’à la publication de Hi-de-Ho Man d’Alyn SHIPTON, la première biographie importante sur Cab), The Hi de Ho Blog va vous « lire » ces mémoires exceptionnelles. Vous n’allez pas être déçus !
Toujours fringant en 1976 pour présenter son autobiographie
Lorsque Cab Calloway entreprend l’écriture de ses mémoires, sa popularité n’est pas au plus haut : ce sont encore les années creuses. Pourtant, c’est un peu le début de son « revival ». Il a joué dans The Pajama Game sur Broadway (un semi-échec) et l’on n’a pas encore « redécouvert » le Cotton Club. Ses apparitions à Sesame Street, LoveBoats (La croisière s'amuse), sa participation à la comédie musicale Bubbling Brown Sugar et surtout au film The Blues Brothers (1980) ne vont pourtant pas tarder à le remettre sous le feu des projecteurs.
À cette époque, le temps presse : les grands du jazz s’éteignent peu à peu : Louis ARMSTRONG en 1971, Duke ELLINGTON en 1974… Après les témoignages publiés de chacun d’eux, Cab se sent certainement obligé d’écrire à son tour ses mémoires. Il veut mettre sa patte personnelle à l’Histoire du Jazz. En 1975, il a d’ailleurs accompagné en tournée l’orchestre de Woody HERMAN. Et puis, il a certainement quelques comptes à régler avec certaines personnes, comme il a quelques aveux à faire pour régler certaines histoires de famille. On notera tout de même que dès 1945, Cab Calloway déclare au journaliste de Jazz Hot venu l'interroger à l'Apollo Theater de Harlem, qu'il projette d'écrire son autobiographie, et qu'elle sortira bientôt sous le titre de "The Hi-De-Ho Man"*.
Famille
Pour autant, il n’y a pas ou peu de références à sa sœur Blanche (à laquelle pourtant ses mémoires sont dédiées) et aucune à Elmer qui fut également – même brièvement – chef d’orchestre.
Musique
On reste malheureusement sur sa faim à cause du manque de précision sur la deuxième partie de la carrière de Cab.
On notera qu’au moment où il aborde son apport au jazz, Cab reprend un article écrit par le Français Daniel NEVERS qui – il faut le saluer – fut un des tout premiers à reconnaître et valoriser les talents vocaux de Cab.
Noirs et Blancs
"The only difference between a black entertainer and a white entertainer is that my ass has been kicked a lot more and a lot harder because it's black."
Bonus : Hepsters Dictionary et Swingformation Bureau
Cab a ajouté à ses mémoires deux passionnants compléments qui avaient largement fait parler de lui :
- The Hepsters Dictionary : dictionnaire du "Jive", cet argot de musiciens qui trouva son expression dans le célèbre Hep! Hep! The Jumpin' Jive! Une soixantaine de définitions pour des expressions complètement incompréhensibles au commun des mortels.
- Swingformation Bureau : une série de questions autour du swing à l'attention des amateurs.
Ultime cadeau inclus dans cette biographie, la liste complète des chansons auxquelles Cab a contribué, soit une centaine environ.
En plus de son texte, Of Minnie The Moocher & Me offre de très nombreuses photos et illustrations rares sélectionnées par John SHEARER : photos de famille, portraits et images de scène inédits et surtout en pages de garde une splendide illustration réalisée par le meilleur ami de Cab, le cartoonist Elmer Simms CAMPBELL. Il s’agit d’une carte de Harlem la nuit, dans les années 30. Un régal d’humour et une vraie mine d’informations !
Au final, Of Minnie The Moocher & Me est un livre touchant et particulièrement instructif pour tout amateur de Cab et de jazz en général. Dans la foule de sujets abordés, on constate de nombreuses erreurs de dates et approximations, gênant parfois une lecture attentive (et monomaniaque comme la mienne !). Les chapitres manquent d’une structure claire et il y a de nombreuses digressions. On notera également une différence de style très forte entre le premier chapitre et les suivants. À croire que Cab l’écrivit seul et qu’il fut repris en main par son coauteur, Bryant ROLLINS.
Il est d'ailleurs intéressant de se pencher un peu sur Bryant ROLLINS, qui habitait Greenburgh comme Cab Calloway à l'époque. Aujourd'hui consultant en "intégration des différences" dans les entreprises, Rollins était dans les années 70 journaliste au éditeur au New York Amsterdam News (journal dédié aux Noirs américains) et éditorialiste au Boston Globe. Il était déjà l'auteur de deux romans et d'une pièce de théâtre récompensée en 1969 : Riot! Au moment de la parution du livre, Bryant ROLLINS travaille au prestigieux New York Sunday Times. Militant actif des droits des Noirs, il a pu traduire aisément toutes les anecdotes liées à la ségrégation que Cab narre au fil de son livre.
Cab Calloway présentant son livre
en compagnie de sa femme, Nuffie.
Je ne puis dire si Of Minnie The Moocher & Me fut un succès. En tout cas, on le croise très souvent en référence dans les bibliographies sur l’histoire du jazz. Le livre ne connut qu’une seule édition (même si un projet de réédition semblait courir au début des années 1990). Ily eut certainement de nombreuses séances de signatures et , au nombre de copies avec dédicace – on peut imaginer que de nombreux fans faisaient dédicacer leur exemplaire jusque dans les dernières années de la vie publique de Cab. LOGO Entertainment, dirigé par Lou GOSSETT, semble détenir encore les droits du livre. Un projet de film sur la vie de Cab avec Lionel RITCHIE n’a d’ailleurs jamais vu le jour… Actuellement, un projet de spectacle autour de la vie de Cab semble être en préparation (aux dire de sa fille Chris Calloway en 2004).
Jadis (je vous parle d’AVANT Internet), Of Minnie The Moocher & Me était introuvable ou presque, si ce n’est à vil prix ! J’ai la chance d’en détenir une copie offerte justement à cette époque par ma femme (qui ne se remet toujours pas qu’on puisse la trouver aujourd’hui aussi facilement sur eBay ou ailleurs à partir de 5$ !). Etant donné le nombre de fois où je puise dedans, il va bientôt être temps de m’en offrir une nouvelle copie, tant son état se dégrade !
Le prochain événement sera bien sûr la parution en septembre 2007 de la biographie de Cab Calloway, écrite par le spécialiste Alyn SHIPTON. Il en a logiquement terminé la rédaction cet été, et je ne désespère pas d’obtenir une nouvelle interview prochainement ! Vous pouvez d’ores et déjà retrouver l’entretien qu’Alyn Shipton a bien voulu m’accorder en janvier 2006, seulement quelques jours après l’ouverture de The Hi de Ho Blog.
*In Jazz Hot, n°22 - Remerciements à M. Jean Queinnec pour l'information.