Chap. 1: “Hustling”

Chapitre 1 :

HUSTLING
Cab la combine
 

« Bon sang, si tu as réussi comme ça, c’est bien parce que tu es et as toujours été un acharné et un entêté de foutu nègre. » Je vous l’avais dit : le ton est donné ! Dans ce premier chapitre se dévoile le caractère de Cab, déjà très marqué et inexorablement attiré par la rue et ses jeux plutôt que par l’école.


Né le jour de Noël 1907, Cab est toujours célébré par sa famille et ses amis fidèles parmi lesquels Benny Payne (son pianiste de 1931 à 1947) et Dizzy Gillespie (son trompettiste de 1939 à 1941, avec lequel il a eu la fameuse altercation pour une boulette de pain et qu’il a viré illico).

Né à Rochester, NY, Cab y est resté jusqu’à l’âge de 10 ans avec sa mère, enseignante, et son père, gestionnaire de bien immobiliers. Ils avaient donc un certain statut dans la communauté noire. Les mémoires commencent mal puisque Cab avoue qu’il n’a que très peu de souvenirs de son enfance. Mais il fait un rapprochement intéressant entre sa carrière et le Dix-huitième Amendement qui promulgua la Prohibition au niveau national et qui contribua à placer l’alcool sous le contrôle de la mafia. Et tant que la mafia a contrôlé l’alcool, elle a eu la mainmise sur presque tous les clubs de Harlem. Là, la bonne société blanche venait s’encanailler en écoutant du jazz, mais sans jamais autoriser les noirs à être également dans le public.



En fait, les souvenirs les plus anciens de Cab remontent seulement à l’âge de douze ans, alors qu’il habitait déjà Baltimore.

La famille était alors logée chez la grand-mère Calloway. Cab est le diminutif de Cabell, comme s’appelaient son père et son grand-père. On disait donc Cabell III Calloway. Les Calloway étaient des esclaves originaires de Géorgie. La coutume était d’ailleurs de donner aux esclaves le nom des propriétaires des plantations dans lesquelles ils vivaient.
Après l’Emancipation, son grand-père devint propriétaire d’une salle de billard à Baltimore ; il était également croupier… bref, certainement un magouilleur de première catégorie (en tout cas aux dires de sa bru, la mère de Cab qui était très pieuse). Aussi, pour lui éviter de fréquenter ces mauvais lieux, la mère de Cab emmenait toute sa famille passer le dimanche à l’église : messe, cathéchisme, école biblique. Cab ne coupait à rien !

Le père de Cab mourut en 1919, dans des circonstances qui restèrent toujours cachées à Cab : l’année précédant son décès, ses problèmes lui avaient causé une dépression qui le mena dans une institution dont il ne ressortit jamais. A sa mort, Cab constata qu’il n’avait pas eu de vraie relation père-fils. Le grand-père mourut quelques mois après.
Les deux veuves ne s’entendant pas, la mère de Cab emmena sa famille chez sa propre mère, Reed. L’atmosphère y était bien plus détendue, d’autant plus que d’autres jeunes partageaient la demeure : les oncles Andrex et Milton.

Malgré l’ambiance, Cab était un adolescent sauvage et indépendant. Et très vite, il comprit que l’argent signifiait indépendance. Très vite, il se mit à magouiller dans les rues et, même si sa mère lui faisait des remontrances, elle ne refusait jamais les dollars qu’il rapportait en fin de semaine.
Et pourtant, sa mère voulait que Cab devienne juriste : durant quelques jours, Cab se tenait à carreau, puis retournait à ses petites affaires. Il s’était trouvé un job comme vendeur de journaux dans la rue, au petit matin, avant d’aller à l’école vers 10 heures… enfin quand il y pensait. Et encore, quand il y allait, c’était pour une heure ou deux. A midi, il quittait son école et partait vendre les journaux de l’après-midi, ou encore les programmes des courses de chevaux à Pimlico. C’est là qu’il attrapa le goût pour le jeu et en particulier pour le turf. Une passion qui ne le quittera plus. Après les courses, vers 18h30, il cirait les chaussures jusque vers 21 heures. Bref, une journée typique pour un gamin de 11 à 15 ans…

Dans toutes ces petites magouilles, Cab n’était jamais seul : toujours accompagné de quelques lascars, ils jouaient à toutes sortes de jeux, et notamment aux dés, et pour l’argent… En tout cas, jusqu’à ce que sa mère l’attrape… Cela décida sa mère et papa Jack à sortir Cab de ce milieu peu fréquentable.

A lire ce premier chapitre dans sa version originale, on est frappé par la pauvreté du style et les expressions parlées qui parsèment les lignes : Dammit, Boy, etc. N’oublions pas que Cab était un petit gars de la rue, une petite « racaille » comme on le dirait maintenant qui a réussi très tôt dans le show business et qui a gardé ses manières de petit voyou.
Dans les chapitres suivants, il y aura de toute évidence une reprise en main par son coauteur, Bryant Rollins.


Cab Calloway
La suite au prochain chapitre : Mama and Papa Jack.

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