« Jouer avec Cab »…
Dans ce chapitre tiré de I Guess I’ll Get The Papers And Go Home, Doc Cheatham raconte son parcours au sein de l’orchestre de Cab CALLOWAY de 1931 à 1939.
« First Class Job » déclare Doc – comme le firent d’ailleurs tous les musiciens qui passèrent dans l’orchestre – ils étaient payés chaque semaine rubis sur l’ongle (à l’inverse de certains comptables qui truquaient les payes des orchestres ou qui, carrément, ne payaient pas). Tous les musiciens étaient bien payés (souvent mieux que dans bien d’autres orchestres), mais ils méritaient bien leur salaire.
« First Class Job » déclare Doc – comme le firent d’ailleurs tous les musiciens qui passèrent dans l’orchestre – ils étaient payés chaque semaine rubis sur l’ongle (à l’inverse de certains comptables qui truquaient les payes des orchestres ou qui, carrément, ne payaient pas). Tous les musiciens étaient bien payés (souvent mieux que dans bien d’autres orchestres), mais ils méritaient bien leur salaire.
Une journée typique de l’orchestre
Par exemple, les soirées au Cotton Club débutaient à 19h30 et pendant une heure, ils jouaient de la musique pour danser. A 20h30 commençait le premier show. Cela se répétait quatre fois, emmenant tout le monde jusqu’à 4h00 du matin. N’oublions pas dans la journée les concerts de bienfaisance, les théâtres et cinémas… Parfois, ils entamaient la journée à 8h00 du matin, faisant cinq ou six shows par jour.
Enfin, lorsqu’un des mafieux était en prison à Sing Sing, toute la revue (danseuses comprises !) le rejoignait pour le détendre sur place.
Pour se reposer, ils s’engouffraient dans des sacs de couchage entre deux sets.
Enfin, lorsqu’un des mafieux était en prison à Sing Sing, toute la revue (danseuses comprises !) le rejoignait pour le détendre sur place.
Pour se reposer, ils s’engouffraient dans des sacs de couchage entre deux sets.
L'orchestre à l'époque du Cotton Club
(Doc est le premier trompettiste en bas)
(Doc est le premier trompettiste en bas)
Doc Cheatham estime que le succès de Cab est dû en large partie aux retransmissions radiophoniques qui avaient lieu en direct du Cotton Club et ce, dès 1931. Cela amena d’ailleurs de véritables hordes de compositeurs et arrangeurs. Les arrangeurs de l’orchestre étaient à cette époque : Walter THOMAS, Eddie BARREFIELD, Benny CARTER, Fletcher HENDERSON et même Clarence HOLIDAY (le père de Billie !).
Doc explique qu’Irving MILLS avait beau être l’agent de Cab, c’était toujours la mafia qui organisait toutes les tournées : si les salles étaient trop petites, ils louaient des tentes, des hangars, des entrepôts de tabac, etc.
Doc explique qu’Irving MILLS avait beau être l’agent de Cab, c’était toujours la mafia qui organisait toutes les tournées : si les salles étaient trop petites, ils louaient des tentes, des hangars, des entrepôts de tabac, etc.
L’orchestre avait deux valets, Rudolph et Harold. Ce dernier devint d’ailleurs l’un des gendres de Cab. Deux valets, c’est bien ce qu’il fallait car tous les membres de l’orchestre pouvaient changer d’uniformes deux fois par jour.
Les fabricants d’instruments donnaient des instruments aux musiciens et en tiraient profit pour faire de la publicité : Selmer, Vincent Bach, Buesher (version américaine de Beuscher ?), Jet-Tone, etc.
Les fabricants d’instruments donnaient des instruments aux musiciens et en tiraient profit pour faire de la publicité : Selmer, Vincent Bach, Buesher (version américaine de Beuscher ?), Jet-Tone, etc.
Confort Pullman et concerts dans le Sud…
Doc raconte la vie de l’orchestre en tournée : confort Pullman, train spécial avec tout le monde. Les musiciens montaient dans le train après le show et se réveillaient dans la ville du lendemain. Cab avait son propre bureau dans le train et mettait toujours sa splendide voiture du moment sur un wagon plateforme.
Doc dit d’ailleurs que le fait de voyager dans de telles conditions avec Cab changeait tout… mais pas les problèmes de ségrégation. Il y a à ce propos une anecdote avec Claude JONES, saxophoniste dans l’orchestre de Cab, qui avait la peau claire. Un jour, il se rendit dans un resturant qui n’acceptait que les Blancs. On le servit sans problème jusqu’à ce que Lammar WRIGHT (qui pour le coup était très « Noir ») le rejoignit. Ils se firent jeter dehors tous les deux.
Programme-souvenir vendu lors des tournées (1932 ?)
En revanche, dans les restaurants qui n’acceptaient que les Noirs, à l’arrivée de l’orchestre, les prix s’envolaient, doublant le plus souvent.
Doc Cheatham explique les tournées dans le Sud des Etats-Unis à travers cette anecdote du concert à Memphis (lue également dans Les Fantômes de Harlem). Un autre jour en Floride, à Miami précisément, un type força Doc à boire du whisky, tandis qu’un autre jetait une bouteille de Coca sur le crâne de Leroy MAXEY (batterie). Cheatham comme Garvin BUSHNELL (saxophoniste chez Cab en 1936-1937) dans ses mémoires (une note ou plus leur sera consacrée) explique la peur de jouer dans le Sud, et notamment en Alabama.
Doc dit d’ailleurs que le fait de voyager dans de telles conditions avec Cab changeait tout… mais pas les problèmes de ségrégation. Il y a à ce propos une anecdote avec Claude JONES, saxophoniste dans l’orchestre de Cab, qui avait la peau claire. Un jour, il se rendit dans un resturant qui n’acceptait que les Blancs. On le servit sans problème jusqu’à ce que Lammar WRIGHT (qui pour le coup était très « Noir ») le rejoignit. Ils se firent jeter dehors tous les deux.
Programme-souvenir vendu lors des tournées (1932 ?)
En revanche, dans les restaurants qui n’acceptaient que les Noirs, à l’arrivée de l’orchestre, les prix s’envolaient, doublant le plus souvent.
Doc Cheatham explique les tournées dans le Sud des Etats-Unis à travers cette anecdote du concert à Memphis (lue également dans Les Fantômes de Harlem). Un autre jour en Floride, à Miami précisément, un type força Doc à boire du whisky, tandis qu’un autre jetait une bouteille de Coca sur le crâne de Leroy MAXEY (batterie). Cheatham comme Garvin BUSHNELL (saxophoniste chez Cab en 1936-1937) dans ses mémoires (une note ou plus leur sera consacrée) explique la peur de jouer dans le Sud, et notamment en Alabama.
Les relations entre musiciens
Concernant ses collègues de l’orchestre, Doc évoque avec beaucoup de tendresse et d’humour l’amitié brutale entre Ben WEBSTER (saxophone) et Eddie BARREFIELD (saxophone). Webster, d’un tempérament plutôt rustre s’était entiché de Doc. Un soir, il lui montra même un solo sur un classique pour trompettiste : Sweet Lorraine. Depuis, Doc assure toujours le jouer en pensant à lui. Plus tard, Ben Webster aida même Doc Cheatham à être embauché dans l’orchestre de Teddy WILSON.
La discipline régnait sous la baguette de Cab. Et pourtant, cela n'empêcha pas les musiciens de de s'amuser aux dépends de leur chef. Apparemment, Cab ne fut jamais au courant de ce qui s'était trâmé contre lui à chaque fois qu'il entamait le tube Kicking The Gong Around.
Sur cette chanson, comme sur bien d'autres de leur répertoire, le principe consistait en un jeu d'appel-réponse entre Cab et l'orchestre.
Quand Cab chantait :
"Do you know Minnie ?"
Les musiciens répondaient :
"Yes, Minnie"
Cab :
"She's tall and skinny !"
"She gets her pleasure, kicking the gong around."
Et à la fin, Cab reprenait :
"She's tall and skinny ! The curtain parted"
Et les gars d'entonner :
"And Minnie farted!"
Cab continuait sans s'apercevoir de rien :
"And there stood Minnie, kicking the gong around !"
"Do you know Minnie ?"
Les musiciens répondaient :
"Yes, Minnie"
Cab :
"She's tall and skinny !"
"She gets her pleasure, kicking the gong around."
Et à la fin, Cab reprenait :
"She's tall and skinny ! The curtain parted"
Et les gars d'entonner :
"And Minnie farted!"
Cab continuait sans s'apercevoir de rien :
"And there stood Minnie, kicking the gong around !"
Pendant les spectacles donnés dans les cinémas, Doc raconte que l’orchestre restait sur scène durant les projections des dessins animés ou des informations, en profitant le plus souvent pour jouer aux dés. Cab les rejoignait et avait le coup pour gagner tout le temps ! Sitôt les bandes arrêtées à nouveau, ils reprenaient le jeu. Chaque musicien avait sa valise garde-robe et même sa propre loge. Les valets s’occupaient de tout mettre en place et nettoyer. Lammar WRIGHT avait non seulement un certain talent culinaire mais aussi un réchaud électrique portatif. Il en profitait pour faire à manger à tout le monde… contre 1$ !
Trompettes renommées
Lorsque Doc arriva dans l’orchestre de Cab, le premier trompette Reuben Reeves partit (fut-il licencié ?) et Doc fut désigné pour le remplacer. Edwin SWAYZEE ou Lammar WRIGHT prenaient les solos sauf sur I’ve Got The World On A String. Swayzee quitta l’orchestre peu de temps après et fut remplacé par Irving RANDOLPH.
Doc quitta l’orchestre de Cab en 1939. Dizzy GILLESPIE était candidat au remplacement mais Cab et les managers n’étaient pas sûrs. Ils choisirent Mario BAUZA.
Doc explique qu’en 1931, l’orchestre de Cab n’était alors qu’un « show band » qui lui servait de support musical. Petit à petit, estime Doc, quand Cab perdit un peu de sa verve, il remplaça les musiciens par des solistes : « Il devait changer l’orchestre, parce qu’il savait qu’il ne serait pas capable de crier pour le restant de ses jours. »
Doc quitta l’orchestre de Cab en 1939. Dizzy GILLESPIE était candidat au remplacement mais Cab et les managers n’étaient pas sûrs. Ils choisirent Mario BAUZA.
Doc explique qu’en 1931, l’orchestre de Cab n’était alors qu’un « show band » qui lui servait de support musical. Petit à petit, estime Doc, quand Cab perdit un peu de sa verve, il remplaça les musiciens par des solistes : « Il devait changer l’orchestre, parce qu’il savait qu’il ne serait pas capable de crier pour le restant de ses jours. »
A suivre...
Dans la prochaine note, nous vous relaterons la tournée européenne de l'orchestre du Cotton Club en 1934, vue par Doc ; la fin de sa carrière chez Cab ; l'arrivée de Doc en France au début de la guerre ; ses aventures sudaméricaine et la dernère période de sa vie, toujours riche en musique.
Retrouvez la première partie sur les premiers pas de Doc Cheatham dans le jazz.
Retrouvez la première partie sur les premiers pas de Doc Cheatham dans le jazz.