CABU: the craziest Cab Calloway fan in France

Si je vous dis qu’en France il existe une personne encore plus fan de Cab que moi, vous répondrez sans doute : « Bien sûr, c’est  Cabu ! » Et vous aurez raison ! Je n’ai jamais entendu quelqu’un capable d’en parler si longtemps, avec autant de connaissance et d’intérêt.
Au cours d’une rencontre qui devait durer deux heures et qui dura presque 4 fois plus longtemps, nous avons échangé nos points de vue et notre admiration pour Cab et ses musiciens et le jazz en général.

Cab Calloway par CABU

Cabu dessine toujours en écoutant de la musique, jazz ou classique. Et quand il veut que ça démarre, il met un CD de Cab Calloway ! « Si on veut savoir ce que c’est le swing, il faut écouter Cab ! » déclare-t-il enthousiaste et définitif. Il faut dire que c’est bel et bien Cab Calloway qui lui a donné envie d’écouter du jazz. Arrivant de Châlons-sur-Marne, sa première rencontre avec le jazz et Cab en particulier se fit au Vélodrome d’Hiver, pendant la mi-temps d’un spectacle des Harlem Globe-Trotters (1956). A cette époque, Cab animait les entractes, surgissant du côté de la scène avec un grand orchestre derrière lui. Ce n’était peut-être plus la grande époque pour lui, mais pour Cabu, ce fut une révélation (de là à le comparer à Bernadette Soubirous…). Tandis que le public semblait relativement indifférent, Cabu était littéralement subjugué. Cela le décida à aller voir tous les autres jazzmen qui passaient à Paris et surtout à ne rater aucun des concerts de Cab en France. Il les vit tous : Duke, Count, et tous les autres, ne manquant aucune salle parisienne ni un festival.


Calloway c’est comme Trénet

Pour Cabu, Calloway c’est comme Trénet (qu’il adore et auquel il a consacré un livre-disque chez Nocturne) : sa swingue naturellement. « D’ailleurs, Cab-Ca-llo-way : ça rebondit déjà, juste en le prononçant. »
Le dessinateur a tout de suite vu en Cab une vraie « gueule » à croquer, du genre à avoir mangé sa soupe avec un sabre… D’ailleurs, lors d’un concert au Méridien de Paris, Cabu avait même pu confier à Cab quelques-uns de ses portraits.
Et parmi les caricatures existantes de Cab, Cabu en désigne deux parmi ses préférées :



Véritable compulsif quand il s’agit de Calloway, il achète tout ce qui lui passe sous les yeux (son autre marotte étant Woody Herman). Aussi, il regrette que tant de critiques ou d’amateurs n’aient pas vu en Cab le fabuleux chanteur qu’il était. « On l’a mis dans la catégorie des clowns et c’était fini pour lui. Mais il a tout de même prouvé qu’il pouvait chanter du Gershwin ! » Rien ne l’énerve tant qu’un livre sur le jazz qui ne parle pas de Cab. « Alors qu’il a tellement fait pour faire aimer le jazz à un plus large public… » soupire-t-il. D’après Cabu, Cab donne de l’espoir à chacun dans les moments terribles, comme pendant la guerre avec les Zazous en France. Mais aussi comme une arme essentielle contre le racisme : « Ça vaut beaucoup de discours ! »

Vinyls, CD, VHS, DVD, livres… les piles montent à chaque trouvaille qui émerveillent Cabu comme un enfant dans un magasin de jouets. Mais ce qu’il préfère, ce sont ses souvenirs de concerts avec Cab : « Chaque fois que je l’ai vu, c’était un mec unique, un vrai chanteur fou. Et quel danseur ! Quelle élégance ! Quelle générosité quand il chante ! » Sa chanson préférée du moment est « Mama, I Wanna Make Rhythm » (1937).

Son goût affiché pour le jazz en général lui a permis d’accomplir un projet magnifique avec la collection Cabu parue il y a quelques années chez Masters of Jazz. Christian Bonnet, à l’initiative de la collection l’avait alors contacté. En retour, Cabu avait bien sûr demandé qu’il y ait un volume consacré à Cab. Depuis, il est l'invité de nombreuses émissions de radio consacrées au jazz : sur TSF, Europe 1, RTL... chaque fois, naturellement, il s'arrange pour faire diffuser à l'antenne au moins un titre de Cab.


« Shut up ! »

Vienne, Antibes, Nice, Paris, Montreux,… Cabu n’a rien raté de Cab. Et lors de son passage au Méridien de Paris en 1985, il était là un soir sur deux. C’est là qu’il fit de nombreux croquis de Cab, nous épargnant toutefois la scène où Cab draguait ouvertement la jeune attachée de presse. A l’écouter s’enthousiasmer, c’était chaque soir l’émerveillement. Même si, alors qu’il était au premier rang et qu’il réclamait une chanson, Cabu s’entendit répondre par Cab un catégorique « Shut up ! »

Un dernier point : Cabu n’est pas un pseudonyme qui vient de Cab, mais de Cabut, son patronyme d’origine. Un psy peu scrupuleux y verrait un cas de déterminisme terrible. On se contentera de se réjouir de cette coïncidence et de tous les dessins de Cabu parus et à paraître sur Cab.


Un immense merci à Cabu pour son accueil, sa générosité, son enthousiasme et ses encouragements.


A (re)découvrir :



Jazz de CABU
  • Le Jazz de Cabu : 4 CD chez Nocturne (2005). Une compilation énorme avec deux titres pour chaque musicien sélectionné et un portrait par Cabu (en provenance de l’ancienne collection Cabu, parue à l’époque chez Masters of Jazz)
Trenet, la vie en mauve par CABU
  • Charles Trénet, une vie en mauve, livre superbement documenté, illustré par Cabu et accompagné de 2 CD exceptionnels d’enregistrements rares ou inédits. Edité chez Nocturne (2005).

 

Dessins Cabu : © V. Cabut


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