"Les Zazous" (1/2)

« Les zazous », paru il y a 30 ans, dresse un portrait de la France entre 1940 et 1942. Période trouble où, tout logiquement, la jeunesse réagit à la restriction et l’humiliation par une forme de révolte. Résistance à la connerie, véritable lutte contre l’indifférence et la passivité de la majorité, le mouvement Zazou s'est inspiré de Cab Calloway et de son fameux Zah Zuh Zah !

« Les ch'veux frisottés
Les col haut de dix-huit pieds
Ah ! Ils sont zazous !
Le doigt comm"ça en l'air
L"veston qui traîne par terr' !
Ah ! Ils sont zazous !
Ils ont des pantalons d"une coupe inouïe
Qui arrive un peu en d'ssous du g"nou
Et qu'il pleuve ou qu"il vente, ils ont un parapluie
Des gross's lunett"s noires, et puis surtout
Ils ont l'air dégoûté
Tous ces petits agités
Ah ! Ils sont zazous ! »

1er couplet de « Ils sont zazous »
(paroles de Maurice Martelier, musique de Johnny Hess)

 

On croirait reconnaître Cab, non ? Eh bien, c'est normal : les zazous, c'est un peu lui qui les inspirés. Et ce livre paru il y a près de 30 ans met en lumière cette bande de sauvageons qui ont arpenté les rues de France sous l"Occupation.

« Les zazous » dresse un portrait de la France entre 1940 et 1942. Période trouble où, tout logiquement, la jeunesse réagit à la restriction et l’humiliation par une forme de révolte. Il faut dire que le quarteron de tête au gouvernement totalisait 270 ans (soit 67,5 ans de moyenne !).

Cet ouvrage, devenu un peu délicat à trouver, relate les différentes actions de résistance à la connerie, véritable lutte contre l’indifférence et la passivité de la majorité.

Dans son message aux jeunes du 29 décembre 1940, le Maréchal Pétain proclame : « Vous payez des fautes qui ne sont pas les vôtres. » Encourageant, non ? Et pourtant, 10 jours plus tôt, salle Gaveau a eu lieu le premier festival de jazz, organisé par Charles Delaunay (secrétaire général du Hot Club de France) : une salle bourrée à craquer et plus qu’enthousiasmée par Django Reinhardt, Hubert Rostaing, Gus Viseur, Noël Chiboust, etc. Plus rien à voir avec la confidentialité des concerts jazz d’avant-guerre ! Résultat, on organise le même spectacle le lendemain devant une salle toujours aussi pleine. C’est à ce moment qu’effectivement le jazz va quitter les coteries parisiennes pour se propager partout en France. Une anecdote ? Django Reinhardt fut par exemple sommé de jouer 3 fois de suite « Nuages » devant un parterre exalté en janvier 1941. En quelques mois, plus de 5000 personnes adhèrent au Hot Club de France. On l’aura compris, cet engouement est une réaction face à l’oppression, avec un goût délicat de fruit défendu, dixit Delaunay. Le même Delaunay un peu dépassé par les excès des « petits swingueurs » qui se croient tout permis et qui risquent bien d’attirer les réprimandes des autorités.

Un Zazou avec son parapluie fermé
Tout devient « swing » : « Elle était swing », « Sérénade swing », « Swing partout », « Êtes-vous swing ? » sont autant de succès. D’ailleurs, plus le climat est à la répression, plus les swingueurs se déchaînent !

Avec l’entrée en guerre des USA en décembre 1941, la musique américaine devient interdite sur les ondes (déjà que le jazz était considéré comme une « musique nègre dénégérée » !). Pas bête et même franchement malin, Delaunay traduit tous les titres pour passer la censure. Cela donne « La rage du tigre » pour « Tiger Rag », « La tristesse de Saint-Louis » pour « Saint-Louis Blues », etc.

Jean-Claude Loiseau rapporte la controverse sur l’origine des zazous (pp. 48-49) : beaucoup l’attribuent à Cab Calloway ; d’autres (dont Hugues Panassié dans "Monsieur Jazz") à Freddy Taylor qui aurait lancé la mode avant-guerre. A mon humble et peu objectif niveau, j’ajouterai que la chanson « Zah Zuh Zah » a été enregistrée par Cab en… 1933 !

Dans une prochaine note, nous verrons comment le pouvoir en place et la presse collaborationniste ont réussi à mettre les zazous au pas.


D'ici là, vous pouvez retrouver quelques renseignements sur les zazous :
  • Une page en anglais qui permet de voir le sujet abordé différemment.
  • Une page québécoise qui reprend les thèmes abordés par Loiseau avec en bonus des chansons zazous en écoute !